Eolane Montceau – Un déclin parfaitement orchestré

Jeudi 30 juillet 2020, le personnel d’Eolane Montceau devant la grille du site. L’angoisse va grandissante.

COMMUNIQUE DES IRP* EOLANE-MONTCEAU

*IRP : Représentants du Personnel

L’énigme du délai de grâce jusqu’à fin septembre

Jeudi 23 juillet, la direction retourne ses cartes, coup de maître d’Henri JUIN, PDG du groupe Eolane. La liquidation judiciaire apparaît probable dans toute son horreur à une semaine de l’échéance officielle. Les élus du CSE claquent la porte.

Et dans la foulée, le PDG annonce prendre soin des salariés dans le contexte d’un projet de reprise du site de Montceau encore possible, quoique partiel. De plus, il en appelle à leur compassion pour le groupe qui n’aurait plus les moyens de financer un PpSE (Plan paradoxal de Sauvegarde de l’Emploi) régulier (in bonis).

A nous de comprendre que pour notre bien il s’oriente vers un dépôt de bilan, moyennant un lot de consolation suggestif de 10 000 € (moins imposition et 75 jours de carence Assedic) pour les perdants, ultime promesse acidulée et sans garantie avant de prendre le chemin de la misère.

Des licenciements, il va y en avoir, beaucoup, voire de tous les salariés. Le sauvetage d’une trentaine d’emplois concrétiserait désormais l’effort suprême d’Eolane, au regard des 100 salariés CDI en 2017. Pour la vingtaine d’intérimaires, leur sort a déjà été sèchement scellé. Ne pas oublier que nous étions 230 CDI en 2002 au moment du rachat de ce site par le groupe de Paul RAGUIN, châtelain notoire.

Passé la sidération de ces coups de traître vient le moment d’examiner les rouages.

Comprendre ce qui a bien pu nous échapper pour ne pas avoir vu, pour ne pas avoir voulu voir la part d’ombre. Faut dire l’affaire complexe, bien menée. Faut dire la fragilité du projet de reprise, la conscience de devoir se dépasser, de rester dignes et positifs. Ne pas céder à la tentation de l’hostilité ou du renoncement, voilà ce qui a été fait, indiscutablement.

Fallait-il que le projet de reprise de Montceau soit tangible pour laisser le site se vider ainsi. Il l’était !

Annonce de la fermeture du site le 28 janvier. Simultanément le bâtiment est libéré de son hypothèque (fiducie) par un coup de force judiciaire du PDG. Les actionnaires ont dû modérément apprécier ce vilain tour, mais il fallait bien cela pour nous convaincre. Sans bâtiment, aucune reprise n’aurait été crédible, avantage que n’avaient pas les autres sites fermés, locataires de leurs locaux.

Deux cabinets viennent d’être recrutés, un luxe. CLAIRFIELD pour trouver un repreneur. SYNCHRO-CORP pour envisager alternativement une reconversion totale du site. L’implication des acteurs locaux et communautaires, de la DIRECCTE, du ministère et de la région ont donné de la consistance et des moyens au bénéfice du maintien de l’emploi.

Il a bien sûr fallu avaler quelques couleuvres : déni total d’ONEIDA, cabinet qui a travaillé assidûment à la reprise du site pendant un an après la première annonce de fermeture fin 2017 ! Aucune visite du site ! Information lacunaire du CSE et des salariés ! Directeur sans pouvoir, conséquence d’une mainmise totale du PDG ! Aucune preuve ou garantie, jamais !

La plus grosse de toutes a été de nous inciter à croire que la reprise nécessitait un redressement judiciaire ! Comprenez : « les dettes (le passif) seront effacées pour le repreneur ! ». Mais lesquelles ? Aucune du côté des fournisseurs puisque c’est le groupe qui contrôle globalement ces paiements. En fait, il s’avère maintenant que l’essentiel des dettes est une affaire intragroupe, entre sites et holding.

Favoriser le repreneur par un dépôt de bilan est un leurre. Certes, les actionnaires perdraient le contrôle pour la seconde fois et avaleraient leurs chapeaux en voyant le bâtiment leur échapper définitivement. Mais absurde, il suffisait que le groupe renonce à ses créances et cède le bâtiment spontanément pour arriver au même point. Est-ce toutefois conforme aux profits démesurés attendus par HIVEST ?

Récemment encore, la reprise s’annonçait globale, avec peu de pertes d’emplois. Maintenant que la casse sociale prend de l’ampleur, Eolane vise à s’exonérer de la facture et à acheter le silence des salariés avec sa dérisoire prime d’individualisme pour masquer cette forfaiture contre la collectivité.

Reste le miracle d’un sursis jusqu’à fin septembre pour favoriser la dernière chance d’une reprise du site. Une entreprise travaillant dans le même domaine d’activité que la nôtre, la sous-traitance de produits électroniques y réfléchirait encore. Croire au sérieux de ce projet est crucial. L’attention prolongée de ce repreneur mérite notre respect. Eolane donnerait même de la charge pour aider à lancer l’affaire …

Croire en la bienveillance d’Eolane est une autre affaire. Manifestement, le risque a été transféré sur les salariés dès le départ. La prolongation de l’espoir de reprise ne rassure pas vraiment vu l’état du site. Ces deux derniers mois, l’atelier s’est progressivement vidé sous nos yeux, méthodiquement.

Il restera bien peu à faire après les congés d’été. Le carnet de commandes est au plus bas, sans avenir. Nous avons vu les départs des clients, des produits, des outils. Aucune fatalité, mais des transferts organisés par le groupe au profit des autres sites pendant que nous produisions et livrions loyalement.

Ce scénario a été rodé en 2018 sur les sites de Roncq et Vailhauques, tous deux pareillement vidés de leurs clients, dans les domaines de la défense et du médical, cela avant le licenciement de près de 200 personnes. Roncq a montré les dents : fermé ! Vailhauques, rentable, a proposé de se reprendre lui-même : fermé ! Une nuance de taille, fermés par des PSE réguliers (in bonis) assumés par le groupe.

Le chemin du dépôt de bilan est semé d’embûches. En n’ayant pas lancé de PSE après l’annonce de la fermeture de Montceau, en l’ayant maquillé en projet de cession du site, nous allons désormais entrer en sous-charge définitive. A peine trois jours de travail en août, environ une semaine en septembre et toujours moins ensuite. Situation inédite du fait accompli révélée par le délai de grâce.

Il va être bien difficile de quémander du chômage partiel auprès de la DIRECCTE vu la stratégie de vidage délibérée du site par le groupe. Peu importe. Le problème se règle en août avec trois semaines de congés et une modulation basse en fin de mois. Septembre s’annonce catastrophique, mais pas pour le groupe qui a déjà annoncé son intention de déposer le bilan dans tous les cas, opportunément.

Pourquoi s’en priver ? Les salaires seront assurés par les fonds communs de l’AGS (Garantie Salaires), tout comme les indemnités et préavis de licenciement. Par effet d’aubaine, cela entraînera la gratuité de la production réalisée en septembre. Pas cher le délai de grâce, en plus cela donne bonne impression !

Ça va tanguer fort au moment de devoir justifier l’injustifiable. Décision de fermeture fin 2017, on vide le site. Décision de non-fermeture du site fin 2018, on réalimente le site par une cascade de transferts. Remplacement du PDG mi-2019, transferts stoppés net. Fermeture-bis début 2020, revidage du site …

Comment un site soi-disant autonome a-t-il pu subir les grandes marées de CAP 2020 provoquées par la direction générale ? Comment soutenir que les clients ont demandé spontanément leur départ de Montceau ? Et les sites bénéficiaires de toutes ces charges providentielles, bien autonomes et tous profitables? Comment faire croire qu’Eolane-Montceau serait seul responsable de son déclin ?

L’enjeu de ce coup d’essai du dépôt de bilan est d’importance. Pourquoi prendre un tel risque pour licencier une poignée de 77 salariés d’un groupe de plus de 3000 ? A peine 2,5% de l’effectif global nos modestes emplois ! Faut dire qu’elle est belle la grande usine flambant neuve d’Estonie inaugurée juste après l’annonce de fermeture des trois sites français. Relocalisation ou tentation inverse à étendre ?

La cupidité locative du châtelain, l’enrichissement privé de HIVEST à partir des fonds publics de la BPI dépassent de loin le coût d’un PSE régulier. Cela aggrave la gestion blâmable du site Montcellien. Persévérer vers la liquidation judiciaire sera la goutte de trop, assurément.

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