Il est mort le poète

L’andouille du lundi n’est pas une rubrique de nécrologie. Mais après le départ de Christophe Salengro la semaine dernière, c’est au tour du grand Jacques Higelin de rejoindre les étoiles. Difficile de ne pas rendre hommage à ce grand monsieur.
Souvenez vous, c’était en 2012, dans le cadre du TSB, le grand Jacques avait enflammé la salle de l’Embarcadère. Le concert à peine terminé, la salle se vidait, et voila Jacques qui revient sur scène un verre de vin à la main en s’écriant « Mon seau ma pelle ! » et c’était reparti pour un tour. Seul en scène après déjà deux heures de concert, il s’assoit à son piano et interprète Champagne. Ce fut une soirée mémorable comme nous aimerions en revivre plus souvent, avec un artiste généreux au caractère bien trempé qui nous a alors tout donné pour notre plus grand bonheur.
Il avait fêté ses 75 ans à la Philharmonie de Paris en octobre 2015. À l’issue de ces deux concerts exceptionnels débordant d’émotion, les spectateurs avaient senti que malgré la fatigue et la maladie, Jacques n’avait pas envie de quitter la scène.
Un artiste de génie
À la fois auteur, compositeur, interprète, comédien, écrivain et poète, Jacques Higelin naît le 18 octobre 1940 à Brou-sur-Chantereine (Seine-et-Marne) au sein d’une famille modeste. Son père était cheminot…
C’est au cinéma que Jacques Higelin, ancien élève du cours Simon, entame sa carrière en 1959. Il joue dans Le bonheur est pour demain, d’Henri Fabiani. Au début des années 1960, il tourne avec les réalisateurs Yves Robert (Bébert et l’Omnibus) et Roger Leenhardt (Une fille dans la montagne).
Début 1964, le producteur Jacques Canetti lui propose de mettre en musique des poèmes de Boris Vian. L’année suivante, il rencontre Brigitte Fontaine. Il lui écrit de nombreux tubes : « La Grippe », « On est là pour ça », etc.
Mais c’est avec l’album BBH 75, sorti en décembre 1974, qu’Higelin se fait un nom. Le chanteur y adopte un ton résolument rock.
En 1976, le jeune Louis Bertignac collabore à l’enregistrement de l’Album Irradié, puis arrive l’album Alertez les bébés !, disque d’or qui remporte aussi le Grand Prix du disque de l’Académie Charles-Cros.
Les années 1976-1988 sont marquées par la publication de Champagne pour tout le monde et Caviar pour les autres en 1979. Mais aussi de Tombé du ciel en 1988, certifié double disque d’or, puis disque de platine.
Des engagements sincères
Il ne reniera jamais l’étiquette de « chanteur de gauche ». Bien au contraire, il assumera ses engagements « Chaque fois qu’il faut défendre les gens, vous pouvez compter sur moi » disait-il.
Son amour de la vie
« Tant qu’on est vivant, c’est la moindre des choses d’être mouvant, émouvant. Après, on ne bougera plus. La mort, c’est notre condition. C’est même la seule chose dont on est sûr dans la vie. Moi, ça me rend joyeux d’être vivant. Je l’ai chanté, la mort est le berceau de la vie. Ça ne me fait pas peur. »
Il nous restera des souvenirs de concerts interminables, de belles folies partagées avec son humour ciselé et une touchante autobiographie : Je vis pas ma vie, je la rêve (Fayard). Dans ce livre-entretien, rédigé avec Valérie Lehoux en 2015, il revient sur ses cinquante années de carrière. Il y évoque ses années passées en communauté, son expérience de la drogue et de l’alcool…
Cinquante années de carrière influencée à la fois par Charles Trenet, Sidney Bechet, Henri Crolla, Georges Moustaki ou encore Barbara.
Véritable bête de scène, Jacques Higelin était généreux et nous transmettait sa folie.
Folie, qui jamais ne l’a trahi.
Au revoir Monsieur le poète et merci.
Parole d’Andouille

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