Un coup de massue, là, bien placé, juste derrière la tête à vous étourdir mais ça fait mal, très mal. Une fois encore le monde de la culture boit le bouillon après la prise de paroles jeudi du Premier ministre.
La culture, « produit » non essentiel, est restée sur le quai, le train du 15 décembre 2020 n’est pas annoncé avant le 7 janvier 2021 et encore, selon Roseline Bachelot, ministre de la « santé culturelle », « c’est une hypothèse ».
De Blanzy, Gilles Galera, administrateur de la compagnie de marionnettes Rouge Les Anges, a la tête des mauvais jours. Ces premiers mots résume la situation : « C’est la merde ». Il s’y attendait. Il ne croit plus au Père Noël, pas en ce moment du moins.
Alors il s’interroge, « quelle place a vraiment la culture ? », « que faut-il comprendre dans une éventuelle reprise de 7 janvier, on ne redémarre d’un coup de baguette magique, la colère monte dans le métier ».
Il nous fait lire une lettre des professionnels de la profession adressée au gouvernement intitulée Le mépris : (un extrait)
Sur quels critères vous basez-vous pour fragiliser, voire endommager durablement toute une économie, tout un corps de métier ?
Sur quels critères vous basez-vous pour considérer nos salles de cinéma, de théâtre, comme plus dangereuses qu’une assemblée dans une église ?
Sur quels critères vous basez-vous pour considérer qu’il est acceptable de visiter une galerie d’art, mais qu’un centre d’art ou un musée est un endroit dangereux ?
A l’inverse des transports en commun et des rayons surchargés des boutiques à l’approche de Noël, nos salles sont totalement en mesure de faire respecter les consignes de sécurité sanitaires, depuis le premier jour. Les spectateurs y sont masqués, en jauge réduite, à distance de sécurité, ne parlent pas, ne se touchent pas, peuvent laisser leurs coordonnées le cas échéant à l’entrée, contrairement aux lieux cités plus haut.
Etes-vous seulement au courant, nous venons parfois à en douter, que nous devons réinvestir à chaque report dans des frais considérables de communication ? Que le travail de nos attachés de presse, de nos distributeurs, des exploitants, doit être à chaque fois repris à zéro, voire moins que zéro puisqu’il faut recréer l’envie, le désir d’aller voir nos films ?
La compagnie Rouges Les Anges date de 25 ans et fait vivre une quinzaine de personnes. « Depuis mars, plus d’une centaine de représentations ont été annulées sans compter les tournées en Chine, en Pologne, en Italie et en Espagne. Je suis démoralisé. Une fois encore, il faut appeler les gens, changer les dates, reporter mais ce n’est pas une bonne idée, a un moment, il va y avoir un embouteillage. La grosse inquiétude est pour la saison 2021/2022, ce sera la catastrophe » prédit Gilles Galera.
Il reconnaît cependant qu’en France, les aides financières permettent de maintenir à flot la compagnie, « mais les sous, aujourd’hui, on s’en fout… Nous ne pouvons pas nous projeter dans l’avenir. Je me demande si ce n’est pas l’occasion de faire le ménage dans les artistes ». C’est vraiment la grosse déprime.
La semaine prochaine, Rouges Les Anges sera quand même deux jours à Blanzy, un spectacle pour les écoliers (une classe différente à chaque représentation). « Le gouvernement aurait pu au moins maintenir les spectacles jeunes publics pendant le confinement » souffle-t-il. « Et pourquoi ouvre-t-on les lieux de culte ? »
Gilles Galera prend cela pour du mépris. « On ne nous fait pas confiance alors que la culture est un élément essentiel, elle force les gens à avoir une réflexion personnelle » glisse-t-il.
Pessimiste, Gilles Galera l’est. « Il va y avoir de la casse ».
Le mot de la fin à la société des réalisateurs de film : Si on nous met à mort, nous voulons connaître l’accusation. Nous voulons pouvoir nous défendre face à autre chose que le vide et l’absurdité de ce qui nous est infligé.
Jean Bernard