Chez Gerbe à Saint-Vallier, il suffit de pousser la porte et elle s’ouvre. Au premier étage, les bureaux. C’est grand, spacieux et même silencieux.
A une certaine époque, dans les années 50, Christian Dior, pour ne citer que lui, se tenait-là. « Ils venaient tous, Lanvin, Balmain, Chanel » regrette nostalgique Philippe Genoulaz, directeur de la manufacture Gerbe, aujourd’hui passée sous pavillon chinois. Mais Gerbe demeure et dans les bas et collants, elle revient dans le haut du panier celui du luxe à la française.
Porter un collant Gerbe, c’est s’offrir un repas dans un étoilé Michelin. Un délice, une merveille où le savoir-faire du made in France, de ces petites mains made in Saint-Vallier, font toute la différence.
Gerbe est en progression
Alors comment se porte Gerbe, financièrement parlant ? Autant il facile de franchir la porte des bureaux, autant vous vous heurtez à un mur aussi infranchissable de la salle des coffres. « Je ne donne aucune information économique sur Gerbe » annonce Philippe Genoulaz. « Gerbe est en progression » lâche-t-il juste pour émoustiller la concurrence et notamment l’autrichien Wolford, le leader mondial du marché. « Il délocalise en Tchéquie et donc la qualité est moins bonne » glisse au passage le directeur de Gerbe.
Trois ans que Philippe Genoulaz est à la tête de la manufacture, « j’en suis tombé amoureux », avoue-t-il sans rougir. Amoureux de la marque, de ces personnes dont la dextérité et le savoir-faire lui donnent des frissons. « Tout est fait à la main. Pour former une couturière, il faut deux ans ».
Mais à l’heure ou le prêt-à-porter est confronter à la nouvelle mode du marché lié au e-commerce, « un canal de distribution où on ne maîtrise pas le comportement de l’acte d’achat mais un canal qui se développe même chez Gerbe » admet néanmoins le directeur, face à la mutation profonde des soldes _ pourquoi acheter au prix fort alors qu’on peut acheter moins cher _ , Gerbe joue la carte du haut de gamme, « s’oriente vers l’excellence industrielle et se rapproche des grands couturiers » concède Philippe Genoulaz.
La haute couture aime Gerbe, Courrèges aussi
Dans la haute couture, ils ne sont que quinze dans le monde et « ici, dans cette usine, des gens ont cette compétence unique. Je leur dis (à ces maisons de haute couture), nous mettons nos compétences à votre disposition et voici le résultat ». La notoriété de Gerbe atteint les hautes sphères comme Franck Sorbier qui a prêté une de ses robes pour mettre en valeur la nouveauté Gerbe, le collant au fil d’or 24 carats destiné au marché chinois.
En France, Gerbe travaille depuis deux ans avec Courrèges. « Nous apportons notre connaissance technique quand la créatrice, elle, débite 40 millions d’idées à la minute » raconte Philippe Genoulaz. « Avec Courrèges, c’est une mutation qui a pris deux ans ». Le collant évidemment mais aussi le top (le haut, voir photo).
Gerbe travaille avec d’autres grandes maisons de haute couture mais « impossible de communiquer » rappelle le directeur. On se doute… » Et pour intéresser la Chine, malgré son actionnaire chinois, Gerbe doit acquérir ses lettres de noblesse en France, devienne une marque de luxe, le seul intérêt pour Pékin. « Et ça ne se fait pas en claquant des doigts » prévient Philippe Genoulaz.
A l’écouter, Gerbe est sur la bonne voie.
Jean Bernard