Rosa Luxemburg, une autre pensée

 

 CERCLE « AUTOUR DE LA PENSEE DE MARX » – janvier 2019

Après Antonio Gramsci, nous avons souhaité mettre en lumière une autre personnalité ayant fait preuve d’esprit critique et de clairvoyance dans son activité théorique et pratique (praxis) militante.

Rosa Luxemburg : Théoricienne exigeante, esprit libre et critique, révolutionnaire passionnée, internationaliste indomptable

Rosa Luxemburg représente pleinement la figure de l’intellectuel moderne qui ne doit pas, selon Gramsci, s’en tenir à produire des théories et des discours mais doit s’immerger dans l’action.

Rosa Luxemburg naît à Zamosc (alors territoire de l’empire russe) en Pologne le 5 mars 1870 ou 1871 selon les sources (sa tombe n’indiquant pas de date de naissance mais uniquement : « Rosa Luxemburg, assassinée le 15 janvier 1919). Elle est le cinquième enfant d’une famille juive aisée. En 1873, la famille s’installe à Varsovie. Rosa est une brillante élève au lycée de jeunes filles. En 1887, elle quitte le lycée et commence à fréquenter les cercles politisés. Le climat politique devenue menaçant en Pologne, elle décide de partir en Suisse début 1889 où elle rencontre des exilés politiques . En 1890, elle fait la connaissance de Leo Jogiches, militant socialiste d’origine lituannienne avec qui elle fonde en 1893 le SDKP (parti social-démocrate du royaume de Pologne). Elle lance un journal , « La cause ouvrière ». Elle milite pour la reconnaissance du SDKP lors du congrès de 1893 de l’Internationale ouvrière. Le SDKP sera finalement reconnu par l’Internationale en 1896. Parallèlement à son investissement politique, elle poursuit des études de sciences naturelles, de droit, de philosophie et d’économie. En 1897, elle obtient un doctorat en économie politique de l’université de Zurich. En 1898, après un mariage blanc avec Gustav Lubeck pour obtenir un passeport allemand, elle s’installe à Berlin sous le nom de Rosalia Lubeck. Après ses années zurichoises, elle retrouve en Allemagne ce qu’elle avait déjà connu en Pologne : un lourd climat d’antisémitisme. Elle adhère au SPD (parti social-démocrate allemand) où elle est vite repérée pour son énergie et son intelligence politique. Elle travaille comme journaliste pour la presse socialiste et comme traductrice (elle parle yiddish, polonais, russe, allemand et français). Elle publie « Réforme sociale ou révolution ? » où elle combat les thèses d’Eduard Bernstein, lequel remet en cause l’orientation marxiste de la social-démocratie allemande. Elle rencontre Karl Kautsky (théoricien du SPD qui deviendra secrétaire de Friedrich Engels) et Clara Zetkin (en août 1932, présidant le Reichstag en tant que doyenne , elle appellera à combattre le nazisme ).

En 1904, à son retour du congrès de l’Internationale, elle est arrêtée et emprisonnée 3 mois pour avoir publiquement critiqué l’empereur Guillaume II. A cette même époque, elle s’oppose vivement aux thèses de Lénine. Elle critique la stratégie d’insurrection armée considérant que c’est en élevant la conscience des ouvriers et non en les armant que l’on doit préparer une révolte populaire. Elle réfute également ses conceptions en matière de centralisation de l’autorité. En 1905, alors que la révolution éclate en Russie, elle rentre clandestinement à Varsovie et participe au mouvement insurrectionnel en Pologne. Arrêtée en mars 1906, elle est libérée en juin . Elle se rend alors en Finlande puis regagne Berlin en septembre. Elle publie « Grève de masse, parti et syndicats » . Elle y défend l’idée que le processus révolutionnaire est un mouvement continu dans lequel le parti doit jouer un rôle mais sans prétendre diriger la classe ouvrière. Elle y dénonce également l’emprise de la bureaucratie syndicale en Allemagne. Elle est de nouveau arrêtée et passe 2 mois en prison en 1907. A sa sortie, elle contribue à faire adopter par l’internationale ouvrière une résolution stipulant qu’en cas de conflit, le devoir de la classe ouvrière est de se soulever pour empêcher la guerre. En juin 1913, elle publie son oeuvre majeure : « L’accumulation du Capital ». En septembre, elle prononce à Francfort un discours où elle appelle les ouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre des ouvriers d’autres pays, ce qui lui vaut de passer en jugement le 20 février 1914 pour « incitation à la désobéissance civile ». Elle est condamnée à 1 an de prison, peine qu’elle effectuera de février 2015 à février 2016. Alors que la guerre éclate en Europe, l’Internationale se montre incapable d’établir une ligne politique commune et les sociaux-démocrates allemands, comme la plupart de leurs homologues européens, votent les crédits de guerre. Elle fonde alors avec quelques militants (Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Franz Mehring, Julian Marchlewski, Paul Levi et Clara Zetkin) ce qui deviendra la Ligue Spartacus. En prison, elle écrit « La crise de la social-démocratie » qui sera publiée clandestinement en 1916 sous le pseudonyme de Julius.

Le 9 juillet 1916, elle est de nouveau arrêtée et placée en détention administrative. Elle y restera jusqu’en novembre 1918. De sa prison, elle suit attentivement l’évolution de la situation politique internationale. A partir de mars 1917, elle écrit une série de textes sur la révolution russe qui seront publiés en brochure en 1918 sous le titre : « La révolution russe ». Les analyses critiques qui y sont développées frappent le lecteur par leur caractère étonnamment prémonitoire. Rosa Luxemburg est libérée le 10 novembre 1918. Elle regagne Berlin alors que la ville est en pleine effervescence révolutionnaire. Le SPD, qui a formé le gouvernement dirigé par Friedrich Ebert, souhaite une transition politique modérée afin d’éviter à l’Allemagne une situation de type russe. Une manifestation spartakiste est réprimée à coup de mitrailleuses, faisant 13 morts et 30 blessés. Lors du congrès qui se tiendra du fin décembre 1918, les spartakistes décident la création du Parti Communiste d’Allemagne (KPD). Début janvier 1919, l’agitation politique dans les milieux ouvriers tourne à l’affrontement. Le KPD forme avec d’autres groupes, dans la nuit du 5 au 6, un comité révolutionnaire et décide de passer à l’action. Rosa Luxemburg, pour sa part, juge que le rapport des forces est nettement défavorable et donc qu’il est prématuré de lancer l’offensive. Mais par loyauté, elle décide néanmoins de soutenir l’initiative. La suite lui donnera raison: le soulèvement échoue faute de préparation et de rapport de force favorable. Le ministre SPD Gustav Noske est chargé d’organiser la répression qu’il confie aux Corps Francs (que l’on retrouvera plus tard aux côtés d’Hitler), lesquels écrasent l’insurrection avec une grande brutalité. Le 15 janvier, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont arrêtés. Elle est frappée à coups de crosse de fusils puis un militaire lui tire une balle dans la tête. Son cadavre est jeté dans le Landwehrkanal. Les militaires responsables de la mort de Liebknecht et Luxemburg seront traduits en justice pour maltraitances mais ne seront que faiblement condamnés. Le soldat Runge, auteur des coups de crosse, sera condamné à 2 ans de prison pour « tentative de meurtre ». Le lieutenant Vogel sera condamné , lui aussi, à 2 ans de prison pour s’être débarrassé du corps de Rosa Luxemburg et pour avoir établi un rapport faux. Le lieutenant Pabst avouera en 1959 que l’assassinat de Liebknecht et Luxemburg avait été soigneusement planifié.

Symboliquement, un cercueil vide représentant Karl et Rosa ainsi que 31 autres victimes de la répression, est enterré le 25 janvier 1919. Un corps identifié comme celui de Rosa est finalement repêché le 31 mai et sera déposé au cimetière de Berlin, devenu chaque année un lieu de recueillement pour des milliers de personnes. En 1921 est publié, à titre posthume, son livre rédigé en prison : « Critique des critiques ou ce que les épigones ont fait de la théorie marxiste ».


…. à suivre

Jacky JORDERY, Serge ROIGT, Bruno SILLA – Montceau-les-Mines, le 17 janvier 2019

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