O-Dieux, sublime troisième soirée du 4 ème festival de la Mère en Gueule.
O-Dieux : en plein nœud babélien, (Babel, la porte de dieu), on retrouve en double miroir la cicatrice purulente de la déportation des habitants du royaume de Juda, celle jamais refermée de la partition de la Palestine par la résolution 181 (II) de l’ONU.
Bien sûr les trois jeunes femmes ne pensent pas à ça, mais sont les héritières de tout cela dans la purulence du présent.
Quand la folie des hommes instrumentalise l’obéissance et l’indifférence tout le monde est victime, mais personne n’est innocent.
Stephano Massini, « poète de la réalité », jeune quadra, directeur du Piccolo Teatro de Milan, est un homme multi facettes, traducteur de Shakespeare, adaptateur de romans au théâtre et auteur d’un talent fou, (Femme non-rééducable : Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa) nous livre « Je crois en un seul dieu » – rebaptisé là O-Dieux – , une pièce chorale décrivant les destins croisés de 3 jeunes femmes sur l’autoroute de l’horreur dans un champ clos de la convivialité un café.
En quelque sorte les journaux intimes de trois victimes: Eden Golan Israélienne pacifiste, Shirin Akhras étudiante palestinienne âgée de 20 ans désirant devenir kamikaze, Mina Wilkinson, militaire américaine de 40 ans interrogative mais blasée, toutes trois ont la vie devant elles, un avenir, mais non… pas forcément.
« On ne peut rien changer à son destin » disait le fabuliste Grec Esope, ces trois femmes ne vont pas s’en échapper non plus.
L’écriture en écho, en partie d’auto tamponneuses et en chaussetrappes, introspecte l’ineffable et l’indicible tout en les rendant palpables. Le spectateur est derrière la fenêtre, il voit le drame se nouer sous ses yeux, il ne peut ouvrir à l’espagnolette, il est impuissant… tout comme nous chaque jour, de chaque semaine, face à nos écrans d’actualités.
Marie Cécile Ouakil est magnifique, juste, elle est les 3 femmes et toutes les femmes, la mise en scène de Kheireddine Lardjam s’avère subtilement minimaliste.
Cette pièce ils l’ont produite, jouée, 80 fois, en milieu carcéral, dans les lycées, des bibliothèques, à la ville comme à la campagne. Surtout dans des petites salles où l’on est à touche-touche avec le public. Ce théâtre est épidermique, à fleur de peau, au ras des yeux.
Car c’est dans cette intimité tactile que l’on atteint au plus près les consciences.
Gilles DESNOIX