Les feuilles des tilleuls et des platanes s’agitent doucement. Une légère brise vient bercer ce jour de l’ascension sur les bords du lac du Plessis. Une journée de plus en cette fin de mai. La dernière aux Charmilles qui en a vu défiler pendant seize ans.
Sur les bords du lac du Plessis, les lumières de cette bâtisse du début du siècle se sont fermées, les paupières sont lourdes, les souvenirs encore frais, la tristesse encore ténue, l’émotion certaine.
Christèle trouve les nuits longues, la dernière a été encore plus courte. Aujourd’hui, « ses » Charmilles, sa seconde peau, son deuxième chez-soi est derrière elle.
Seize ans de labeur, seize ans d’un petit bonheur niché dans ce bar pas comme les autres, celui des amis, des gens du quartier, de clients de passage les week-ends touchés par le charme sans âge des lieux et l’accueil sans écueils. « C’est magnifique ici, regardez ce cadre, le lac, la terrasse » souffle Anna sa maman.
A 72 ans, elle qui vient occasionnellement « donner un coup de main »
à sa fille dit-elle, accompagne Christèle jusqu’au bout. Lâcher l’affaire
leur fait mal au coeur mais parfois « il est plus sage de prendre la bonne décision »
ajoute la maman. Christian, le papa, 72 ans aussi est également là
pour cette ultime journée, la dernière soirée avec les amis.
Les Charmilles du bord du lac avec Christèle, c’est donc fini. L’établissement a été vendu à deux Montcelliens. Une autre vie va débuter. Comme pour Christèle. Elle aimerait rebondir dans une cantine, « m’occuper des petits », explique-t-elle. Aider les personnes âgées qui irait très bien également.
Dernière journée, dernière surprise partie pour refermer le livre. Bien sûr, les petites recettes de Christèle, « je fais tout de A à Z », profiteront à d’autres. Combien de familles à la sortie du cimetière du Bois Roulot sont venues aux Charmilles y trouver un peu de réconfort. La maison des confidences, le bar des confessions, aux Charmilles on y venait sans vanité.
Les Charmilles, ce berceau de verdure a poussé un dernier soupir. Christèle rêve d’un autre horizon. Et pour faire de beaux rêves, bien dormir est déjà un bon début.
Sur la terrasse, les paroles d’une chanson s’élèvent, « On s’est aimé comme on se quitte sans vraiment penser à demain ».
Jean Bernard