Malgré une longue journée à l’hôpital, sa voix est posée. Médecin urgentiste, il sait apparemment maîtriser ses émotions. Cette journée du 31 mars a été la plus lourde en nombre de décès sur la France (499) ce qui porte un total de 3523.
En région Bourgogne – Franche-Comté, on dénombre au 30 mars 2020, 187 décès dus au covid-19 dans les hôpitaux. Les EHPAD ne sont toujours pas comptabilisés.
L’informateur de Bourgogne : Ici en Saône-et-Loire, êtes-vous arrivés à saturation dans l’accueil des malades du covid-19 ?
Le médecin urgentiste : « Nous avons de la place même si nous hospitalisons tous les jours des patients atteints du covid-19. Heureusement, ce week-end, sur l’ensemble de la Région, 50 patients ont été transférés vers des hôpitaux d’Auvergne-Rhône-Alpes. Sur Chalon-sur-Saône et Montceau, pour l’instant, ça va, c’est plus difficile à Mâcon. Mais dans l’ensemble, nous avons eu le temps de nous préparer, de réorganiser les hôpitaux pour accueillir les covid-19. Nous n’avons plus de chirurgie programmé. En revanche pour recevons toujours les autres urgences autre que le covid-19 ».
Médecins, infirmières, vous tenez le coup ?
« Il est certain que chacun en fait un peu plus que d’habitude. Mais une grosse solidarité est née entre nous ce qui permet de tenir le coup. Et puis, nous sommes extrêmement touchés par la générosité des gens, des commerçants, des entreprises. On nous livre tous les jours des pizzas, des colis, des viennoiseries. On ne s’attendait pas à ça. Merci à eux du fond du coeur ».
Psychiquement, comment supportez-vous cette situation inédite ?
« Disons que le plus dur est de voir arriver autant de patients graves et certains décèdent. C’est plus difficile à gérer, ils partent seuls, sans la présence de la famille, ils n’ont que nous. La crainte est également de manquer de places ».
Quand va arriver le pic ?
« Si le confinement est bien fait, cela fait 15 jours, le pic si redouté devrait intervenir ces jours-ci. Vous comprenez pourquoi des patients ont été transférés ce week-end . Le pic, il pourrait durer plusieurs jours, voire des semaines avant de connaître une baisse sensible. Sur le département, les lits ont été augmentés, la réanimation également. Quand un patient avec une suspicion de covid-19 arrive, il passe un scanner pour une recherche pneumologique, le virus est très caractéristique. Puis nous effectuons le test. En tout état de cause, c’est loin d’être fini. Certains malades ont une détresse respiratoire et sont placés sous oxygène, les plus graves, entre 5% à 10% ont besoin de respirateur. Et là, nous avons tous peur d’une aggravation. C’est un stress supplémentaire ».
Ce sont principalement des personnes âgées ?
« Oui, de plus de 65 ans mais arrivent aussi des patients beaucoup plus jeunes, entre 30 et 40 ans, même s’ils ne sont pas nombreux ».
Avez-vous peur d’être contaminé ?
« C’est le métier, toute l’année nous côtoyons des malades de la tuberculose, de méningite, alors je fais attention mais je n’ai pas peur. Nous avons des masques, des surblouses ».
Propos recueillis par Jean Bernard