Coronavirus – Les Coquelicots exigent de véritables changements

Voici la position des Coquelicots qui ne pourront pas se réunir le 3 avril à cause du confinement, par Catherine LONJARET.

LE CORONAVIRUS ET LES COQUELICOTS.

Communiqué – Non, le Coronavirus ne nous arrêtera pas ! Même si le cours de nos vies est très perturbé, notre combat contre les pesticides ne connaît pas de pause. Se retrouver physiquement le 1er vendredi de chaque mois à 18h00 devant notre mairie n’est, évidemment, plus d’actualité avec les restrictions aux rassemblements mais nous pouvons nous informer et signer l’appel en cliquant sur le lien suivant :

https://nousvoulonsdescoquelicots.org/

La machine s’est emballée. Elle est en train de caler. A cause d’un virus -le plus petit micro-organisme vivant!- Homo sapiens, qui pouvait encore il y peu faire le tour de la planète, est cantonné, quand il est chanceux, aux seules limites de son jardin.

Et justement, le temps n’est-il pas venu d’envisager les choses autrement? Immobiles, sur notre balcon, ou près d’un parterre, écoutons le silence. Les rues paisibles qui chuchotent, le bruit du vent dans les branches, le bourdonnement d’une abeille se frayant un chemin dans le lierre, les appels guillerets de la mésange charbonnière. En quelques jours, Dame Nature reprend déjà ses droits. Les canaux à Venise sont redevenus translucides, on y voit quelques poissons. Bientôt, l’atmosphère de nos villes sera lavée du nuage grisâtre des gaz d’échappement.

Une ombre au tableau demeure. Les pesticides seront toujours épandus, plus que jamais en cette période préparative aux semailles. La couleur orange effacera bientôt le vert printanier, malgré notre combat, malgré le ralentissement que nous impose le coronavirus. Cette agriculture intensive et mortifère continue, silencieusement, de faire ses victimes.

Avec cette pandémie, nous sommes soucieux de notre santé, de celle de nos proches. Les repères sautent pour en révéler d’autres, la saveur des petites choses fondamentales se rappelle à nous comme le souvenir intuitif d’une comptine; la sacro-sainte économie, chronométrée, efficace, pragmatique, dévorante, devient subitement secondaire. Tout à coup, nous sommes contraints de revenir à l’essentiel :

Prendre soin de nos très proches. Cuisiner. Lire enfin. Ecrire peut-être. Redécouvrir l’enfance et le jardinage. Planter les graines de l’avenir.
C’est le moment de retrouver une liberté dans la contrainte. Liberté de penser, liberté de rêver, liberté d’espérer. Ce monde qui ralentit est propice aux idées, aux réflexions. L’heure est venue pour beaucoup, nous en sommes sûrs, de dresser ce constat: nous ne pouvons plus continuer comme «avant». Profitons de cette pause inédite pour envisager un autre avenir, à notre échelle. À croire notre Président, 
«cette période nous aura beaucoup appris.  Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause» (discours du 16 mars). Chiche?

Pendant un an et demi, pris dans une valse à mille temps, les Coquelicots ont tourbillonné, semant leurs graines d’espoir, pavoisant de rouge les frontons des mairies, dans une liesse authentique. Nous nous retrouverons, nous nous toucherons de nouveau, nous chanterons, nous rirons. Nous serons encore plus forts !

Inutile de se montrer trop solennel entre nous. Inutile, mais nécessaire tout de même, car la situation n’est pas rassurante. Bien sûr, avec tous, dans la coopération et la solidarité, nous allons faire face à la pandémie de coronavirus. Nos sociétés fragiles ont besoin de présence, de bienveillance, d’aide. Faut-il pour autant se taire? Tout au contraire, le mouvement des Coquelicots doit exprimer son point de vue avec plus de force que jamais, car le grand dérèglement en cours exige de véritables changements. Avez-vous bien écouté le propos de notre président de la République le 12 mars 2020? Il a insisté sur des points essentiels.

Lesquels?

D’abord faire confiance à la science, et c’est ce que clame notre mouvement depuis ses débuts. Oui, la science est de notre côté. Des centaines, des milliers d’études peut-être établissent la toxicité des pesticides de synthèse, et seul le déni régnant dans les ministères a permis jusqu’ici de camoufler ce qui est une évidence. La science vivante montre que les pesticides sont un poison universel.

Autre question-clé, celle de notre organisation économique. Le président a déclaré précisément ceci: «Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour».

Ce modèle, nous le connaissons et le dénonçons tous. C’est celui de l’irresponsabilité sociale et pénale des immenses transnationales. Chacun connaît leur but, qui ne saurait être le nôtre : ouvrir des marchés jusqu’au fond de l’océan Arctique, jusqu’au cœur des forêts tropicales, jusqu’au sommet des montagnes, jusqu’aux ultimes intérieurs de notre si petite planète, délocaliser des entreprises qui nous seraient bien utiles en ce moment comme l’entreprise LUXFER de Gerzat qui fabrique des bouteilles d’oxygène.

Nous voyons sans surprise, mais avec dégoût, les parallèles évidents entre la crise du coronavirus et l’expansion sans fin des pesticides. Tous les deux sont de puissants toxiques. Tous les deux circulent d’un bout à l’autre du monde, tous les deux sont invisibles, omniprésents. Il nous faut décider ensemble d’une organisation meilleure.

Le mouvement des Coquelicots est fier d’être aux avant-postes. Oui, nous sommes pour la mesure, le contrôle, la confiance, la production locale. Oui, nous sommes pour repenser en totalité un modèle agricole qui mène fatalement au désastre. Vous parle-t-on sérieusement de la pesta porcine africaine (PPA), qui flambe d’un bout à l’autre du monde sur fond d’élevage industriel? Certes, ce virus-là n’est pas transmissible à l’homme. Mais le SRAS, mais la grippe aviaire, mais le coronavirus?

Redisons-le encore une fois. Le mouvement des coquelicots n’a jamais attaqué et n’attaquera jamais les paysans. Nous refusons, radicalement, une pratique agricole détestable, qui empoisonne par les pesticides tous les êtres vivants, dont nous, toutes les formes vivantes. Mais nous voulons ardemment de nombreux paysans dans les campagnes. Sans la présence de millions d’entre eux en France, redevenus agronomes, attentifs à la terre, attentionnés, la France ne fera pas face aux terribles menaces de l’avenir, dont le dérèglement climatique.

Cette position de principe nous permet de parler sans crainte de ce qui se passe aujourd’hui. Une grande opération de com est en cours, à l’initiative de la FNSEA. Elle consiste à présenter l’agriculture industrielle comme la sauveuse de la société française, en s’appuyant sur l’éternelle courroie de transmission qu’est le ministère de l’agriculture. L’épidémie de coronavirus est utilisée pour effacer des dizaines d’années de critiques fondées d’un modèle qui a, au passage, fait disparaître la paysannerie, peu à peu transformée en machine de guerre exportatrice au service de quelques-uns.

Nous apprenons en cette fin mars 2020 que de nombreux confinés découvrent ce que sont les épandages de pesticides. Enfermés avec leurs enfants, il leur faut supporter à quelques mètres de leurs fenêtres la vaporisation de produits souvent très toxiques. On se protège donc d’un virus en rapprochant ses cibles d’un poison? C’est irresponsable.

Une étude scientifique toute récente, que certains contestent, établit des liens puissants entre la pollution de l’air et la circulation du coronavirus. Les particules fines pourraient servir d’accélérateur de la contamination. Au-delà, rappelons que la pollution de l’air tue chaque année dans l’Union européenne 659.000 personnes qui ne demandaient qu’à vivre. Et nul doute que cette pollution affaiblit les corps et en créant des pathologies respiratoires et cardiaques, prédispose ses victimes à des formes plus graves d’infection par le coronavirus. L’affaissement constaté de la circulation automobile et des activités industrielles est, de ce point de vue, une excellente nouvelle.

Mais les constatations d’organismes officiels comme Airparif sont extrêmement préoccupantes. Dans bien des villes, la qualité de l’air ne s’améliore pas ou peu, et parfois même se dégrade en ce qui concerne les particules fines de l’air. Une question légitime se pose: les épandages d’engrais et de pesticides, qui redémarrent partout en France, peuvent-ils être une source de pollution de l’air, et jouer en ce cas un rôle néfaste dans la propagation du virus?

Un groupe de scientifiques de Strasbourg s’interroge publiquement: «Tous les ans, à la même période, les épandages agricoles sont responsables de pics de pollution printaniers durant les mois de mars à mai. Ces particules printanières sont, de par leur composition, moins toxiques que des particules de combustion issues par exemple du trafic routier néanmoins elles vont également servir de vecteur de transmission au virus. Ces particules peuvent voyager sur plusieurs kilomètres et donc transporter également le virus sur de longues distances!». En conséquence, ils appellent les préfets «à prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement les émissions liées aux épandages agricoles».

La FNSEA, par la voix de sa section départementale du Finistère a déjà répondu non. Selon elle, il serait «difficilement acceptable, au vu (…) du contexte particulier Covid 19, que les agriculteurs plébiscités par l’ensemble de la population pour assurer leur approvisionnement alimentaire, soient ainsi montrés du doigt et empêchés de réaliser les travaux agricoles nécessaires à leur acte de production».

Une manière comme une autre de détourner l’opinion d’une évidence: les pratiques agricoles industrielles sont massivement refusées par la société. Ce n’est pas en niant les faits que l’on pourra lutter efficacement contre le coronavirus. Face au drame actuel, nul n’est intouchable. Nous avons le droit et le devoir de continuer à parler haut et clair. Bien sûr, il faut préparer les récoltes et nourrir le pays. Mais on peut le faire sans se mettre la tête dans le sable. Oui, il va falloir changer. Ensemble.

3 commentaires :

  1. Bonjour,
    hélas, quand reverrons-nous refleurir des coquelicots, des bleuets, si abondants autrefois dans les champs de blé ?
    Je doute fort que les politiques retiennent la leçon quand la pandémie sera passée.
    Je pense qu’ils auront à coeur, surtout, de faire repartir la spéculation, la bourse, un manque à gagner de quelques mois est impensable.
    Certains hommes au pouvoir s’inquiètent plus de l’économie que de la santé de leurs concitoyens, Bolsonaro, Trump, mais aussi chez nous la ministre du travail qui veut remettre les français au boulot même si les conditions sanitaires ne sont pas réunies !
    J’espère au moins que tout cela va tirer les françaises et les français de leur torpeur dans laquelle les plongent toutes ces émissions ( genre les marseillais, les anges, j’en passe et des meilleures) que passent en boucle les différentes chaines de télévision !
    Réveillons-nous, réclamons des coquelicots pour nos enfants, nos petits enfants !
    « Donnons leur des jardins pour y faire des bêtises, des jardins pleins d’animaux marrants, d’où on revient des p’tites fleurs à la main quand on a déchiré sa chemise »

  2. Beaucoup de citoyens éclairés, d’intellectuels, d’associations militantes, de mouvements populaires ou impopulaires ont « exigé » le changement après des épisodes de la vie publique ou politique suite auxquels nous aurions du changer de pratiques ou quelques règles qui perdurent mais qui appartiennent à un autre siècle. Ces 20 dernières années a t-on moralisé les pratiques de la vie politique? Inclus des principes écologiques dans la constitution? Réfléchit à des modifications de l’expression de la démocratie? Renforcé les principes d’égalité ou de solidarité national? Non! C’est tout le contraire qui a été fait. J’exige, nous exigeons, vous exigez et après … qui s’en soucie?

  3. Très poétique et très bien écrit.
    La question derrière tout cela est la suivante : Comment fait on pour nourrir 6 milliards de personnes ? Comment font les populations du Moyen Orient, qui consomment énormément de blé qui en produisent très peu ? Doit on réduire notre productivité, et stopper nos exportations vers ces populations qui ne manqueront pas de crier famine ? Doit on voir revenir la disette en France, comme certains de nos grands parents l’on vécu avant guerre ? Sujet complexe et dont personne n’a aujourd’hui pu apporter de réponse efficace.

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