« La vie est faite d’illusions. Parmi ces illusions, certaines réussissent. Ce sont elles qui constituent la réalité » a écrit Jacques Audiberti. Remplacer « illusions » par « rêves » et vous aurez un avant goût de la vie de Kévin Aubert, cet ancien élève au lycée Parriat de Montceau-les-Mines qui vient d’obtenir le prix spécial du jury international du meilleur court-métrage à la 75e Berlinale qui est un laboratoire cinématographique qui s’est tenu du 13 au 23 février derniers.
Kévin Aubert a été primé pour son film _ un court-métrage _ intitulé : Ne réveillez pas l’enfant qui dort, réalisé au Sénégal, tourné en 16 millimètres et en noir et blanc. Une consécration pour ce jeune cinéaste. Premier film, premier prix.
Du Sénégal en passant par Berlin, en fait, l’histoire de Kévin Aubert a commencé à Montceau-les-Mines, au lycée Parriat même s’il a vécu au Sénégal jusqu’à l’âge de six ans où son papa, qui est né à Nancy, enseignait au lycée français. Sa maman est Camerounaise.
Donc petit, Kévin débarque dans le Bassin minier. Son papa est professeur de physique-chimie au collège Roger Vailland à Sanvignes. Il est décédé en août dernier et sa maman habite toujours aux Gautherets à Saint-Vallier.
Les années qui suivent son arrivée entre le canal du Centre et la Bourbince, mènent Kévin Aubert sur les bancs de l’école et ceux du lycée Parriat au parquet de la salle de basket à Salengro, très loin alors du cinéma si ce n’est qu’en terminale, des copains et notamment un certain Alexandre Marascia, ont pris l’option cinéma. Sans être inscrit, Kévin s’incruste et le cinéma s’invite en lui. L’amour pour le 7e art le touche en plein coeur. « Pourtant, je n’allais pas au cinéma, pour moi, les films, c’était devant la télé » raconte-t-il. En revanche, son papa est un vrai cinéphile, « il me parlait souvent de 2001 l’Odysée de l’espace de Stanley Kubrick. Un jour, nous étions chez Leclerc et il achète le DVD. Je l’ai regardé à la maison et trois heures plus tard _ la durée du film _ , j’ai eu le déclic » se remémore-t-il. « Ensuite, j’ai eu une véritable boulimie de cinéma, j’avais un tel retard ».
Le bac en poche, Kevin part à Dijon, fait des études de philosophie, monte à Paris à la Sorbone et décroche un master. Mais de toutes les matières, c’est le cinéma, la réalisation qu’il préfère. « A Paris, j’ai connu cinq/six années de galère, je faisais des clips, je tournais des pubs » dit-il. Il s’accroche, commence à vivre de sa passion et survient un autre élément déclencheur qui va le ramener au Sénégal. « Ma compagne qui est architecte a des envies d’ailleurs, elle voulait travailler avec des matériaux biosourcés et désirait partir en Afrique de l’Est ». Bingo, elle coche le Sénégal mais la covid passe par-là et les voilà séparés.
En discussion avec France 2
et un long métrage en tête
De Paris, Kévin Aubert en profite pour dégoter un travail au Sénégal et hasard ou pas, il décroche le poste de directeur du complexe cinématographique Sembène Ousmane à Dakar. Il y bosse un peu plus d’un an, dirige douze employés, le travail est éreintant mais il apprend beaucoup de l’autre face de la production cinématographique.
Il se remet alors à l’écriture de son scénario. Trois ans de labeur pour un court-métrage de 28 minutes à chercher aussi le financement et tombe sur une amie productrice. Le Sénégal, le Maroc et la France avec le CNC (centre national du cinéma), s’intéressent à lui. Il obtient même une avance sur recettes de 90 000 € de la CNC et d’autres financeurs suivent.
Il est loin de se douter que « Ne réveillez pas l’enfant qui dort » va bouleverser sa vie. Ils sont plus de 3000 à se bousculer à la Berlinade dans sa catégorie. Seulement dix sont sélectionnés dont Kévin Aubert. « Pour moi, c’était déjà un honneur. Quant au prix du jury international du meilleur court-métrage, je ne m’y croyais pas du tout. Je n’étais pas préparé à ça ».
Chez les professionnels de la profession, les éloges pleuvent, « une mise en scène à la rigueur chirurgicale », « chaque mouvement de caméra semble pensé pour traduire l’enfermement intérieur de Diamant, son héroïne ».
« C’est extrêmement gratifiant après les années de sacrifice que j’ai connues » mesure-t-il après coup alors qu’il vient de rentrer à Dakar après avoir été honoré par ses pairs à Berlin. Un tel prix lui ouvre des portes. « Nous sommes en discussion avec France 2 pour diffuser mon court-métrage mais je veux surtout qu’il soit projeté à Dakar, il a été tourné en wolof, la langue parlée au Sénégal ».
Au commencement, il y a eu Montceau-les-Mines, le lycée Parriat et Alexandre Marascia. « J’ai pensé à lui, je lui ai demandé s’il pouvait venir à la Berlinade. Il me répond mais ça fait dix ans que je vis à Berlin ». Il n’y a pas de coïncidence heureuse ou alors comme pensait Ciceron, c’est un signe des dieux.
A 33 ans, Kévin Aubert se retrouve dans son héroïne, une jeune fille déterminée. Ne réveillez pas Kévin qui dort. Il rêve… de réaliser un long métrage. « J’ai déjà l’idée » et il sera tourné au Sénégal.
J.B.
Synopsis
Diamant, une jeune fille de quinze ans originaire de Dakar, rêve de faire des films. Mais sa famille a d’autres projets pour son avenir. Confrontée à des décisions prises sans son consentement, Diamant se confie à sa sœur : elle aspire à l’évasion et au repos. Le lendemain matin, Diamant est tombée dans un sommeil inexplicablement profond – un acte de résistance silencieuse contre les obligations qui lui sont imposées. Son mystérieux sommeil attise les tensions et les peurs qui menacent non seulement Diamant elle-même, mais aussi sa famille et la maison qui les abrite tous.