Excepté le prix de la chanson de l’année, le palmarès des victoires de la musique n’est l’affaire que des professionnels de la musique. 600 personnes composent le jury, divisé en trois collèges à parts égales. En premier lieu, on retrouve les producteurs de spectacles (120) et les maisons de disques (80). En moyenne, les majors représentent 60 % des bulletins, et les labels indépendants 40 %, un calcul réalisé selon les parts de marché des uns et des autres.
Le second collège regroupe les artistes, auteurs, compositeurs, chefs d’orchestre et autres musiciens. Enfin, le troisième englobe le reste des acteurs du secteur (journalistes, présidents de festival, plates-formes de streaming…).
Des négociations en coulisses ?
Le scrutin étant fermé et réservé aux professionnels, difficile de ne pas imaginer l’existence de tractations. Par un échange de bons procédés, « deux labels peuvent ainsi se mettre d’accord pour reverser leurs artistes dans deux catégories différentes. Même chose pour deux artistes d’un même label que l’on dispatche sur deux prix différents, pour maximiser ses chances et s’éviter une rivalité vaine », explique un acteur du monde musical.
« Une Victoire débloque ou relance forcément le process commercial », poursuit-il. Les disques n’ont plus la cote, mais les stickers attribués sur les pochettes lauréates semblent toujours faire leur effet dans les bacs ».
Le directeur général de la cérémonie assure « Je n’irais pas jusqu’à parler de coups de pression entre les votants, mais bien sûr que des coups de fils doivent être échangés. C’est dans la nature humaine… Ce ne sont donc pas les ventes ni l’avis du public qui pèsent dans la balance, mais bien un monde de professionnels de la musique. Pour certains observateurs, il existe un entre-soi où les minorités – ou les discours artistiques des minorités – ne sont peu ou pas représentés. Ils fustigent le manque d’hétérogénéité du jury dépositaire de la culture « dite légitime ».
Que penser de la 33e édition ?
Les Victoires de la Musique sont habituées aux critiques et l’organisation de l’événement est rodée aux attaques en règle.. Choix de certains lauréats qui laisse perplexe, catégories fourre-tout et un côté très consensuel assumé. Depuis 2011, les Victoires tentent de changer leur image de cérémonie « nombriliste » pour l’industrie musicale et ses mastodontes. Le comité s’est mis en quête d’artistes moins connus afin d’élargir son audience.
Habile me diriez-vous ?
Que dire de cette 33e édition, qu’ elle a défendu la culture au pluriel ?
Pour la première fois Les maisons Wagram, Tôt ou Tard, Because Music ou Believe ont botté le cul à Universal, Warner et Sony, tordant le cou à un système qui voulait que seules les majors engrangent des trophées.
Cela reflète enfin une esquisse de pluralité due aux mutations traversées par l’industrie du disque de ces quinze dernières années, par l’effondrement du CD et l’émergence du streaming.
Mais le combat sera long pour effacer les traces de l’ancien monde car les anciennes habitudes n’ont pas été totalement abandonnées au vu du palmarès.
Espérons que les petits labels et artistes indépendants pourront survivre et « exister face à une telle hégémonie, commandeur des communicants et des autres par la grâce de la Sainte Trinité, ramification, absorption, profit! »*
Paroles d’Andouille
*extrait du discours du groupe Noir Désir au Président d’Universal aux victoires de la musique 2002