Rares sont les professions qui, aujourd’hui, affirment que tout va bien. Mais il existe des métiers, notamment dans l’agriculture souvent décriée, des exploitations qui font exception à la règle même si, à écouter Emmanuel Pichard, il faut se battre en permanence.
Lui, sa femme et leurs deux enfants, sont de la mouvance d’une agriculture qui regarde au-delà de l’horizon, un peu plus loin que le bout de leur nez. La ferme des années 80 est loin, très loin derrière eux. Leur modèle économique leur permet, à madame et monsieur (ils sont en gaec) d’aligner chacun un salaire de 1300 € par mois quand la moyenne est plutôt entre 600 et 800 € voire pas de salaire du tout.
Et n’allez pas croire que du côté de Sanvignes, rue des Chevriers, chez les Pichard, même si on s’accorde une semaine de vacances dans l’année, l’élevage de charolaises est une source confortable de revenu.
Parce que, Emmanuel Pichard a tenu à redire à Jean-Claude Lagrange, maire de Sanvignes et à son conseil municipal, « le prix de la viande n’est pas conforme à la réalité ». En fait, ce n’est pas tant le prix de la viande qui pose problème, « mais les charges qui ne cessent d’augmenter et forcément, le delta s’en trouve altéré » précise l’agriculteur de 46 ans qui a repris l’exploitation de son père en 1996. « Il faudrait toutefois augmenter le prix du kilo de viande, 3.70 € (la carcasse d’environ 450 kg) d’un euro et celle à la coupe à 2.55 € d’au moins cinquante centimes ».
La sécheresse impacte l’exploitation, il faut 10 m3 d’eau par jour
A cela, il faut ajouter la sécheresse. Avec un cheptel d’une moyenne de 240 bêtes, leur donner à boire a été et est toujours un véritable casse-tête. « Heureusement, un arrêté de la mairie de Sanvignes nous permet (avec l’accord de la CUCM), de puiser l’eau du lac des Fouthiaux. « J’ai besoin de 10 m3 par jour », indique l’éleveur.
Sur les 146 hectares, 40 concernent la culture exclusivement réservés à la nourriture des bêtes (blé, orge, colza, maïs). Elles ont besoin de 150 tonnes de foin, 120 T de paille, 140 T d’ensilage, 100 T de maïs et 900 quintaux de céréales. « Aujourd’hui, avec le manque d’eau, nous puisons dans les réserves depuis début août et nous sommes obligés d’acheter des aliments ». Encore un manque à gagner.
Rue des Chevriers, la ferme Pichard s’adapte et même devance l’agriculture de demain. Une vielle étable a été remplacée par une neuve l’an dernier : un coût de 165 000 € pour 48 vaches, financé pour 40% par l’Etat, la Région et l’Europe et 60% par l’emprunt sur 15 ans.
Emmanuel Pichard n’a rien voulu cacher. Il montre, raconte, dévoile sa vie de paysan. Sur d’autres, il a pris un temps d’avance. Assume totalement son salaire et celui de madame, c’est son credo. Pourtant, il met en garde, « avec les prix de la viande, on est au bout du rouleau ».
La question est simple : veut-on encore une agriculture en France ?
Jean Bernard