Indépendamment de la crise qui secoue aujourd’hui encore le monde agricole, depuis plusieurs années il est confronté au manque d’eau suite aux épisodes de sécheresse.
Face à ces crises climatiques, la Saône-et-Loire est devenue une terre d’expérimentation pour la gestion durable de l’eau. C’est vrai pour l’agriculture comme l’industrie. A ce titre, Michelin Blanzy fait figure d’exemple. Nous y reviendrons.
Dans un département où 75% représentent des terres agricoles, la problématique de l’eau est devenu un fléau. Quand un bovin consomme 120 litres d’eau par jour par temps de sécheresse (65l/jour en moyenne), qu’une exploitation comme celle du Gaec Tricot à Saint-Vallier compte 420 têtes de bétail sur 300 hectares, les besoins en eau sont considérables.
Au cours d’une journée d’exploration des méthodes et des solutions mises en oeuvre, initiée par Jean-Pierre Morvan, directeur de l’agence de l’eau Loire-Bretagne avec l’apport du syndicat mixte des bassins versants Arroux et Somme qui est au coeur même des remèdes apportés chez les agriculteurs, on plonge en profondeur dans le grand cycle de l’eau.
Les chiffres donnent mal à la tête. « Sur les bassins versants Arroux et Somme, « seulement 24% des rivières sont en bon état » indique Jean-Pierre Morvan. C’est 12% sur l’ensemble de la Saône-et-Loire. Il faut donc mieux gérer la ressource en eau en réduisant la pollution , économiser l’eau, restaurer les milieux aquatiques et prendre en compte le dérèglement climatique. C’est la mission de l’agence de l’eau.
De son côté, Jean-Marc Guilhem, président du Syndicat Mixte des Bassins Versants Arroux et Somme depuis avril 2024 et élu à Toulon-sur-Arroux, voit plutôt le verre à moitié vide voire davantage. « C’est un échec, j’ai l’impression d’être inutile. Au fil du temps, nous sommes impuissants quand on sait que les enjeux de l’eau sont primordiaux. Aujourd’hui, nous avons besoin d’un électrochoc mais je n’ai pas de solutions ». Il est lui-même agriculteur.
Jean-Pierre Tricot, réticent au début,
enchanté aujourd’hui
La visite au Gaec Tricot a dû lui mettre du baume au coeur quand bien même dit-il, « nous savons faire, laissez nous faire ».
Entre Saint-Vallier et Saint-Romain-sous-Gourdon, au milieu des prés, serpente la Limace. « Les déjections animales dans l’eau ou le ruissellement des matières fécales dans les cours d’eau, nous ont conduits à arrêter de faire boire les bovins dans les cours d’eau » explique Benjamin Gauthier, directeur du syndicat mixte du bassin versant de la Bourbince. « C’est pourquoi nous travaillons avec les agriculteurs pour que bétail puisse s’abreuver dans de bonnes conditions ».
Déjà, des clôtures ont été installées le long de la Limace et ont été développés des systèmes d’abreuvement avec des captages d’eau, « parce que l’eau est stockée dans la terre » stipule Benjamin Gauthier. Ici dans le pré du Gaec Tricot, un puits d’une profondeur de 5 mètres déverse de l’eau par gravitation dans deux abreuvoirs. Si le sol est plat, alors une pompe est alimentée par un panneau solaire qui permet aussi de fournir l’électricité aux clôtures.
Réticent au départ, Jean-Pierre Tricot qui travaille sur l’exploitation avec ses deux fils, est allé voir chez les voisins. C’était il y a cinq ans. « Et en plus ça ne coûte rien et nous avons une eau de bonne qualité », dit-il aujourd’hui. C’est tout bénéfice et les bêtes sont en bonne santé. Et pour traverser la Limace, le syndicat finance également les ponts (8000 €, voir photo ci-dessous).
Tout est assumé financièrement par l’agence de l’eau à 50% et des subventions notamment de l’Europe (Feder) « qui n’arrivent pas » mentionne Benjamin Gauthier. « Nous avons dû arrêter les investissements, l’Europe nous doit 500 000 € » ajoute-t-il. Ces fonds sont gérés par la Région qui semble être le point d’achoppement dans l’affaire.
Toujours est-il que sur 900 exploitations, 230 ont joué le jeu et la liste d’attente des agriculteurs qui sont demandeurs, s’allonge.
« En huit ans, nous avons réalisé 600 captages d’eau et aligné 180 km de clôture » avance Benjamin Gauthier. Encourageant.
C’est tout bête mais le bétail s’en porte mieux et les rivières aussi. L’eau est si précieuse.
J.B.
Le syndicat mixte des bassins versants Arroux et Somme qui regroupe cinq intercommunalités (La Communauté de Communes du Grands Autunois-Morvan (CCGAM) – 51 communes; La Communauté de Communes du Pays d’Arnay Liernais (CCPAL) – 34 communes; La Communauté de Communes Entre Arroux, Loire et Somme (CCEALS) – 29 communes; La Communauté Urbaine Le Creusot-Montceau (CUCM) – 10 communes; La Communauté de Communes Le Grand Charolais (CCLGC) – 4 communes), dispose d’un budget (contrat sur 3 ans 2022/2024) de 3 157 000 € dont 1.4 M € de l’agence de l’eau.
Ça devrait être comme ça partout.
Ça coûte un peu d’argent, mais c’est de l’investissement sur la qualité de vie future.