Des artistes, il nous est permis d’un rencontrer un bon paquet. Certains ne font que passer dans l’anonymat le plus complet, d’autres soignent leur communication, d’autres encore, le plus naturellement, donnent envie de les rencontrer et puis il y a ceux, une denrée rare, qui ont un talent fou, se moquent de tout et, au détour d’une vieille bâtisse, dans un improbable bureau avec vue sur les chiottes, vous conduisent sur une planète inconnue.
Xavier Juillot, c’est le mec dans sa combinaison de travail, un bleu de travail qui, dans la cour du baraillot à Montceau-les-Mines (musée du camion), entreprend une dépression sur un vieil utilitaire Renault des années 50. Il enrubanne la camionnette d’un film plastique, aspire l’air et le film colle à la carrosserie tout en faisant ressortir le moindre détail. Un Renault sous vide.
On dit de lui qu’il est un artiste ouvrier, toujours en train d’imaginer, toujours à bricoler. Il pense à une chose et fait autre chose. Il est en mouvement perpétuel, son esprit n’arrête jamais, sa tête pense, ses mains s’agitent et vous apprend que la péniche aujourd’hui amarrée dans le port du lavoir des Chavannes, l’idée vient de lui.
Le lavoir des Chavannes le fascine
« Cela fait un moment que je tourne autour de ce lavoir, il est très intéressant, il est classé » sort-il alors qu’il cherche une esquisse sur son bureau qui regorge de documents. Il vous explique que c’est de l’art territorial, de la Mut’action, « une notion de changer et de se mettre en action ». Une mutation.
Cette péniche, Xavier Juillot, Dijonnais de naissance, il est allé la renflouer au port de Chagny. Il s’est démerdé tout seul, « j’ai pour habitude d’être autonome » avoue-t-il sans bouder la compagnie pour autant. Pour la remise en route du moteur, les Lulu et autres des Camions anciens, lui ont prêté main forte. Le moteur, c’est leur oignon. Il tourne avec la précision d’une horloge montcellienne quand bien même existe-t-elle.
Avec son air de ne pas y toucher, même s’il en brasse beaucoup _ de l’air _ , Xavier Juillot et toute la bande d’architectes et de l’association de sauvegarde du lavoir des Chavannes, ont imaginé et imaginent encore, un spectacle grandiose pour les journées du patrimoine les 21 et 22 septembre prochains. La péniche aura un rôle prépondérant. La musique aussi, des textes également et la lumière évidemment. Tout prend corps dans la matière grise de l’artiste ouvrier avec l’accord de la bande. « La péniche sera une plateforme évolutive » précise-t-il simplement. C’est pourtant loin de l’être.
Xavier Juillot, de quoi a-t-il l’air ?
« On me demande de faire l’homme agité » souffle l’agité du bocal. Que va-t-il inventer, imaginer, amalgamer ?
Xavier Juillot, il a travaillé avec Philippe Decouflé sur la cérémonie d’ouverture des JO d’Albertville en 1992. Il a vendu de l’air à Tokyo, Sydney, aux Etats-Unis, un peu partout dans le monde. Des lances à air d’une centaine de mètres de hauteur de différentes couleurs.
Sculpteur à l’origine avant d’enseigner l’architecture pendant 40 ans, Xavier Juillot est inclassable dans le monde de l’art. Il note, dessine sur une feuille. Ajoute un trait et passe sur un autre dessin parce qu’une idée vient de germer et vous parle en même temps de son bonheur de se trouver embarquer dans cette aventure du lavoir des Chavannes.
Il ne donne pas l’air d’avoir les pieds sur terre mais de le voir brasser de l’air procure un grand bol d’air.
Une rencontre à contre-courant d’air.
Jean Bernard
Cet artiste-ouvrier me plaît bien.
Alors, s’il vend du vent, je lui fais la bise.