Il n’y a pas d’école, pas d’études mais un long apprentissage. Le métier de taxidermiste naturaliste est rare. Une époque, on disait plutôt empailleur puisque la définition du Larousse désigne une personne qui empaille les animaux morts pour les rendre propres à être conservés avec l’apparence de la vie.
A Martigny-le-Comte, dans une impasse, au fond d’une cour, se trouve toujours l’atelier de Régis Teilhol désormais à la retraite depuis quatre ans. C’est l’une des plus anciennes maisons du village, « peut-être même la plus vieille » précise-t-il. Tout est bas de plafond, tout est encore dans son jus. Ici le temps n’a pas d’emprise, les aiguilles ont cessé de tourner. Dans une pièce, des animaux immobiles n’attendent qu’une parole pour bondir au dehors, aller se dégourdir les pattes dans la campagne charollaise.
Dans la pièce qui donne sur la cour, pendant 38 ans, Régis Teilhol a exercé son métier d’artisan taxidermiste.
Gamin, dans son village en Haute-Saône près de Gray, « j’étais tout le temps fourré chez un taxidermiste. Je ne faisais rien, je regardais, j’avais 13 ans ». Mais son père boucher lui avait déjà tracé sa route. Tu seras boucher mon fils. Alors certes, Régis aura son CAP pour faire bonne figure et profite de ses 18 ans pour quitter papa et maman. Il travaille alors dans la charpente métallique avant qu’un accident ne le rendre inapte à l’exercice.
A 15 ans, « je n’étais pas un surdoué de l’école et je savais que je voulais devenir taxidermiste ». Alors en 1976, Régis Teilhol part à Strasbourg pour deux saisons (celles de la chasse) chez un artisan qui lui apprend le métier. « Il travaillait à la méthode allemande, sans doute la meilleure, il reconstituait les muscles des animaux en terre de poterie ». C’est du modelage.
Un ours en descente de lit, celui du zoo de Sigy-le-Châtel
En Alsace, Régis rencontre sa femme. Elle est de l’Isère. « Nous avons donc choisi de nous installer à mi-chemin entre Gray et Vienne et en 1978, nous sommes arrivés à Martigny-le-Comte ».
Encore la bonne époque où Régis pouvait redonner vie à des animaux même ceux trouver morts sur la route. Depuis 1982, toutes les espèces protégées meurent et un point c’est tout. « Il me restait essentiellement les chasseurs et des particuliers pour les chiens, les chats, les perroquets, les animaux domestiques ».
Dans une autre pièce de la bâtisse, trône une tête de bison, elle vient d’un élevage en Haute-Saône. Il se souvient aussi d’avoir travaillé sur un tigre en provenance d’un zoo. « J’ai transformé le dernier ours en descente de lit avec la gueule ouverte, il venait du zoo de Sigy-le-Châtel. « L’important était de travailler sur du frais sinon le poil s’abîme ». Il montre alors des peaux de renard qui ont une vingtaine d’années, elles sont douce comme du cachemire et ne sentent rien. Le travail de tannage a été bien fait.
Quant à dépecer l’animal, au moins son CAP de boucher lui aura servi à quelque chose. « Pour faire une tête de sanglier, il fallait compter entre 3 et 4 semaines pour le tannage et au moins 4 mois pour lui redonner vie ».
Pendant 38 ans, Régis Teilhol a travaillé dans son atelier. Un artisan aux doigts d’argent. Evidemment, la mort a rôdé en permanence au fond de la cour mais quand d’autres tuent pour le plaisir, Régis jouait l’apprenti sorcier. Même mort, l’animal vivait encore.
Jean Bernard