A la question, qui êtes-vous Alain Schleich ? le délégué syndical d’Eolane admet volontiers ne pas se sentir à l’aise d’y répondre. Par modestie, lui qui vient avec l’aide du personnel du site montcellien de renverser la vapeur et faire comprendre à la direction nationale de conserver et le site et les emplois ou tout bonnement par timidité, cette timidité qui l’a accompagné comme son ombre pendant son enfance ?
Cette peur de paraître, « d’être à la limite la tête de turque de ces petits voyous qui profitaient de leur force » l’a conduit vers cette force intérieure et la traduire en une doctrine dont il a fait sienne, la violence ne mène à rien.
Au nom du père et du fils
Inoffensif Alain Schleich l’est dans le geste mais il sait se montrer terriblement efficace dans le verbe avec son discours de premier de la classe, toujours à la recherche du mot juste avec à la pointe de l’épée, la formule qui fait mouche. « Je suis quelqu’un de particulièrement déterminé, ni méchant ni gentil, qui a des convictions et des objectifs à réaliser » dit-il posément.
Pour les salariés d’Eolane, après quatorze mois de lutte, Alain Schleich est un grand homme. Aussi, n’ont-ils pas connu Marcel son père, mineur en Lorraine, délégué syndical lui aussi, qu’Alain ne voyait jamais à la maison. Un père qui lui a donné un seul conseil, ne fais pas comme moi. « Mais il ne m’a dit pourquoi ».
A ce père, Alain Schleich, lui voue une admiration sans limite. « Je suis moins fort que lui » soupire-t-il. Marcel lui a transmis son esprit positif quand ils se retrouvaient dans l’atelier à bricoler. « Il était intelligent, bosseur, courageux. Je ne l’ai jamais vu caler sur un problème, il ne connaissait pas la peur de l’échec ».
Don Quichotte des temps modernes sans sa dulcinée
Cette rigueur, son fils la perpétue dans son travail, « je suis passionné par la technique et cette rigueur limite le nombre d’erreurs. J’ai ce défaut d’être très travailleur ». Alain le perfectionniste en reconnaît aujourd’hui les effets indésirables, « c’est un défaut handicapant, « j’étais au travail à la maison ».
Avec le recul, Alain Schleich sait maintenant pourquoi son père lui a donné un seul conseil à suivre, qu’il n’a pas suivi. Les salariés d’Eolane ne lui en tiendront pas rigueur.
L’héritage du père, être confronté à « la violence des riches », c’est-à-dire, « ceux qui ont le pouvoir de conditionner la vie des autres » explique-t-il, se battre déjà en 2008 pour éviter une vague de licenciements dont il aurait pu être victime, « de lutter pour mon emploi m’a motivé davantage », de faire son apprentissage à la CGT, ont fait d’Alain Schleich le Don Quichotte montcellien, un vrai chevalier nullement aveuglé par la perfidie des grands patrons juste guidé par l’amour d’un salarié à son entreprise.
Eolane devait fermer, alors dans ce combat, « j’ai été loyal avec tout le monde, j’ai eu cette clairvoyance de savoir où aller, comment y aller et sans violence, la seule méthode qui permette d’agir longtemps et d’emmener avec moi un collectif soudé. J’ai toujours été très attentif au groupe » raconte avec conviction Alain Schleich.
Les sacrifices sont derrière lui
Alain, c’est une voix, la voie à suivre, pas une gueule, ces grandes gueules qui l’ouvrent plus à tort qu’à raison. Il n’a laissé personne au bord du chemin. Et quand bien même, reconnaît-il, il eu eu aussi de la chance, il a su la provoquer. Pas de grève, de l’action toujours en dehors du temps de travail et un harcèlement sans relâche sur la direction pour lui faire comprendre qu’elle faisait fausse route.
Un Don Quichotte des temps modernes, certainement. Une autre manière d’invoquer la défense des salariés dont les syndicats devraient sans doute puiser quelques traits de réflexion.
Aujourd’hui, Alain Schleich veut prendre du recul. Il est toujours délégué mais n’est plus le représentant du personnel. Il a besoin de souffler. A 22 ans, il voulait traverser la France en vélo, « j’ai toujours le vélo », il a même été tenté d’être chauffeur de bus pour les excursions. Dans son garage, l’attendent sa moto et son camping-car, il aime bricoler, « je veux apprendre à souder ». A bientôt 59, il a pris du retard. « Je veux réussir dans ma vie privée, je ne veux plus faire les mêmes sacrifices ».
Il lui reste quatre ans à passer chez Eolane. Aux autres désormais de « trouver les moyens qui arrangent les choses qui ne conviennent pas » préconise-t-il. C’était le conseil de Marcel.
Jean Bernard
Bravo, Alain, vous avez toute mon admiration, à la fois pour cette lutte et pour cette victoire !
Mon père était lui aussi un mineur engagé, et c’est grâce aux luttes de tous ces gens-là que des acquis inestimables ont vu le jour (y compris pour ceux qui ont refusé le combat…)
Le syndicalisme ouvre les yeux, certains le confondent avec un engagement politique, et il est vrai que c’est souvent lié, cohérence oblige, mais le syndicalisme offre des connaissances inestimables qui permettent d’apprendre à se battre dans le respect des règles.
Votre père serait fier de vous, même si votre combat et celui de ceux qui vous ont soutenus ont quelque peu changé de forme. Pour faire la grève, il faut avoir les moyens, et actuellement, peu de salariés peuvent se permettre de perdre tout ou partie de leur salaire.
La première des violences est celle qui consiste à retirer tout moyen de subsistance à un individu, vous avez choisi d’y répondre par le harcèlement et ça a porté ses fruits. Peut-être, lorsque cela est possible, est-ce là un exemple à suivre ?
Je tiens à saluer ce grand Monsieur qui a porté ce combat avec brio par des actions fortes, intelligentes et sans violences. C’est aussi la démonstration vivante que « la violence ne mène pas à grand chose ».
Bravo aux salariés qui par leur travail ont su convaincre le siège que ce site peut être performant.
Et si, dans mon entreprise, nous étions dotés d’un leader tel qu’Alain, j’avoue que je signerais sans hésitations.
Je suis très émue et je reconnais parfaitement mon grand frère dans cet article. Nous sommes fiers dans notre famille d’avoir hériter des valeurs de notre père Marcel, qui fût aussi un très grand Homme. Merci à toi Alain d’avoir continué à faire brûler cette flamme et maintenant mon conseil est « pense à toi et vis ta vie, sois heureux car tu le mérites ».