Psychanalyse filmée – Il n’y avait pas de terroristes à l’Embarcadère lundi soir

 

Le titre est provocateur mais comme l’a dit Antonio Fischetti, journaliste à Charlie Hebdo lundi soir à l’Embarcadère à la projection de son film « Je ne veux plus y aller maman », « c’est l’actualité qui nous oblige à nous engager dans ce combat ».

Le combat de dire ce qu’on pense et de caricaturer le prophète Mahomet dans Charlie Hebdo le 8 février en 2006 pour soutenir notamment ce journal danois, Jyllands-Posten qui publie douze caricatures du prophète.

L’histoire, la tragédie, tout le monde la connaît. Le 7 janvier 2015, les frères Kouachi, kalachnikov à la main, pénètrent dans la rédaction, huit membres sont massacrés. Cet acte terroriste fera douze morts ce jour-là.

Ce jour-là justement, Antonio Fischetti, originaire de Blanzy ne participe pas à la conférence de rédaction. Il se trouve en Saône-et-Loire à l’enterrement de sa tante à Saint-Loup-de-Varennes. « C’est un enterrement qui m’a sauvé la vie » en rigole presque le journaliste. C’est digne d’un titre de Charlie Hebdo.

Le film n’est pas simple à comprendre, il est un peu extravagant comme le journaliste scientifique qu’il est. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué comme disaient « Les shadoks ».

Pas simple de garder les pieds sur terre devant le syndrome du survivant dont il souffre. « Oui ce film est un peu bizarre, hétéroclite. Je filme mes émotions, je revisite les images à partir de l’attentat », dit-il aux deux cents spectateurs présents à l’Embarcadère.

Il lui a fallu plus de dix ans pour produire ce film grâce en particulier à des donateurs. Il reprend les images avec la psychanalyste Elsa Cayat _ la seule femme exécutée dans l’attentat et qui tenait une rubrique dans Charlie Hebdo _ , qui le fascinait sur la prostitution. C’est donc une introspection sur lui et un hommage aux disparus. C’est elle, Elsa Cayat qui lui demande de réfléchir sur son histoire personnelle avant de s’entretenir avec le psychanalyste Yann Diener dans son film qui reste avant tout une fiction.

A la fin du documentaire, on voit Antonio Fischetti plonger dans le canal du Centre du haut du pont à Blanzy. Un bain de jouvence comme pour recouvrer ses esprits après cette immersion tarabiscotée.

Même le titre du film, « Je ne veux plus y aller maman » est incompréhensible. Il fait référence à la chanson de Jacques Martin « A la pêche aux moules… » mais « ça ne veut rien dire, chacun y met ce qu’il veut. C’est peut-être je ne veux plus aller dans ces directions qui m’emmerdent. C’est une auberge espagnole » raconte-t-il devant le public.

Aujourd’hui, le journaliste va bien, « très bien même. Je vais mieux depuis l’accouchement du film. Il a été une libération. D’ailleurs, Elsa m’a fait comprendre que la psychanalyse, c’est une libération ». Il garde bien à l’esprit justement que Charlie Hebdo permet la liberté d’opinion, se dire « qu’on peut le faire, c’est pourquoi on se lève tous les matins pour faire un journal ».

Dix ans après, les mentalités ont changé. Le slogan « Je suis Charlie » quand bien même l’avons nous vu réapparaître à la date anniversaire de l’attentat, une pièce de théâtre écrite par Charb (assassiné par les terroristes) a été déprogrammée à l’université de Lille. « Des exposition de dessins ont été annulées et mon film a été interdit à Sarreguemines » fait savoir Antonio Fischetti. « Des gens ont retourné leur veste. A l’époque, Guy Bedos avait dit que Charlie devait arrêter, d’autres que Charlie l’avait bien mérité ».

Il manquait sans doute une image à l’attentat de Charlie Hebdo. Antonio Fischetti apporte la sienne. C’est peut-être confus mais il ouvre une voie supplémentaire au chantre de la liberté.

 

J.B.

 

 

Antonio Fischetti et sa soeur Camille lundi soir à l’Embarcadère de Montceau-les-Mines.

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