En 2018, on continue de fêter en France les 70 ans de la décentralisation théâtrale, née en 1947.
À la demande du gouvernement de Léon Blum qui réfléchit à une décentralisation théâtrale sans subvention, Charles Dullin recommande dès 1937, dans un rapport qu’il remet au ministre de l’Éducation nationale, de mettre en place des « préfectures théâtrales » pour développer l’existence du théâtre d’art en région. Malgré les expériences locales et individuelles, l’essentiel de la vie théâtrale reste concentré à Paris, et se résume à des spectacles commerciaux qualifiés de « bourgeois », centré autour du divertissement des pièces de boulevard et de quelques classiques du répertoire. Puis la guerre…
À la Libération, Jeanne Laurent, initie la première politique étatique affirmée pour sortir le théâtre de Paris et en redynamisant la création. Elle s’appuie sur le réseau de l’éducation populaire, et des metteurs en scène comme Dullin, Clavé, Jean Vilar, Dasté, Jouvet…
Pendant six ans, elle impose une réforme du paysage théâtral français, une « nouvelle configuration de la vie théâtrale », reposant sur deux actions : la décentralisation, consistant à créer des lieux sur le territoire français, et la démocratisation, cherchant à toucher tous les publics dans les travées de la communion dramatique. Certains d’entre eux veulent reproduire l’exemple des Copiaux , ce groupe fondé vers 1920 par jacques Copeau, qui quitta Paris pour s’installer en Bourgogne à Pernand-Vergelesse plus précisément.
Deux premiers centres dramatiques nationaux (CDN) autour de troupes permanentes sont ainsi créés, le CDN d’Alsace en 1946 à Colmar, et la Comédie de Saint-Étienne en 1947.
Mais cette décentralisation ne se fait pas sans heurts. Jeanne Laurent essuie des attaques de plusieurs patrons de théâtres parisiens. Ils considéraient en effet cet argent distribué en province comme gâché, car donné à de mauvais comédiens qui ne seront pas vus.
En 1959, André Malraux, ministre des Affaires culturelles de De Gaulle reprend cette politique en créant les Maisons de la Culture. La première maison de la Culture est inaugurée au Havre en juin 1961.
Initié en 1991 par Jack Lang, les scènes nationales sont chargées de diffuser les œuvres quand les CDN ont eux une mission de création.
Ces artisans visionnaires ont été les constructeurs d’un théâtre exigeant et populaire qui forme les spectateurs en dialoguant avec eux et étaient armés de leur seule sincérité et de leur volonté farouche..
Que fait-on aujourd’hui de cet héritage ?
Le grand comédien Louis Jouvet disait qu’« il n’y a rien de plus futile, de plus faux, de plus vain, rien de plus nécessaire que le théâtre ».
D’aucuns disent qu’il est bel et bien terminé, ou plutôt que l’esprit de la décentralisation n’est plus. Car il y eut un esprit de la décentralisation d’un art collectif qui a su de tout temps épouser le monde dans lequel il s’exprimait.
Pendant toute ses années, comédiens, metteur en scène, techniciens et auteurs furent saisis d’un puissant désir de porter l’acte théâtral au-delà de ses sphères traditionnelles, essentiellement parisienne.
La baisse des budgets des collectivités locales et l’impact de ces réductions nous rappelle que tout ces acquis sont fragiles, car, si la création est visée, cela veut dire que toute l’action culturelle va décroître et que tout le rapport au public va diminuer. Ce serait un regrettable retour en arrière pour nos territoires. Alors luttons et existons car on a besoin plus que jamais d’un théâtre populaire, intelligent mais non élitiste et que l’on a intérêt à les soigner, pour contrer et faire face à la logique marchande d’ un système bien en vogue ces temps-ci.
Parole d Andouille.
+ d’info : Mardi 6 Février à 20h30 L’ARC en partenariat avec Cinémage organise la projection du film de Daniel Cling « Une aventure théâtrale, 30 ans de décentralisation » au cinéma Le Morvan au Creusot.