Ce sont deux mondes qui s’entrechoquent mais comme deux plaques tectoniques, ils se rencontrent mais au lieu de provoquer un effet dévastateur, ils mêlent leur destin qui, pour le plus grand bonheur de la littérature, a fait naître un livre « Né pour partir ».
Un livre, c’est du papier, un papier bien plus important qu’une carte d’identité ou un passeport dont Mamadou Sow s’est délesté au cours de son périple de 10 000 kilomètres qui l’ont conduit de sa Guinée-Conakry à la France, lui le migrant qui a quitté son pays pour aller chercher des médicaments dans le pays d’à côté, au Mali, pour soigner son père. Dans des conditions inhumaines, il a traversé la Guinée, le Mali, l’Algérie et la Libye pour arriver à Brindisi en Italie le 12 juin 2016, puis à Toulon et à Lyon en 2018 où il a rencontré Azouz Begag dans un atelier d’écriture, un écrivain engagé, homme politique et chercheur en économie et sociologie très sensible aux questions migratoires. « J’en ai un peu marre que les migrants soient considérés comme une image ou un fait divers » dit-il lundi soir à la librairie De deux choses lune à Montceau-les-Mines avec à ses côtés, Mamadou Sow.
Les écouter est un vent de réconfort bien plus doux que le sirocco quand bien même, l’histoire du Guinéen pourrait-elle traduire la vie chaotique des migrants, celle de Mamadou Sow est unique dans son épilogue. Il a eu la chance de croiser Azouz Begag et Mamadou, contrairement à d’autres qui se taisent, a eu le courage de parler. Malgré une OQTF (obligation de quitter le territoire français), il s’est livré à Azouz Begag. « Avec son histoire, on a fait un livre de 150 pages. Il a même reçu le Grand Prix des lycéens en Allemagne, prix que lui a remis l’ambassadeur de France à Berlin » raconte celui qui a été ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances de 2005 à 2007 dans le gouvernement Dominique de Villepin qu’il vénère toujours. « Il est la seule voix qui s’élève en France dans le conflit Israëlo-palestinien. Je suis villepiniste » concède-t-il.
Après cet aparté, il revient au sujet du jour. « Mamadou Sow est un miraculé, il a obtenu ses papiers, ce n’est plus un migrant, c’est un écrivain » poursuit Azouz Begag. « Tu es un homme libre qui ne doit rien à personne ». L’immigration lui fait automatiquement penser à l’Algérie, à cette colonisation qu’il considère comme un viol, lui qui est né à Lyon de parents algériens pris pour des indigènes qui ne purent jamais allés à l’école. « Le racisme, c’est la déshumanisation ».
Mamadou Sow s’en est sorti grâce à l’écriture. Pourtant, ce livre, « Né pour partir », le jeune Guinéen, pensait qu’il ne servirait à rien. « En Afrique, on garde nos histoires pour nous. Mon objectif se bornait à obtenir un titre de séjour pour être dans la légalité » explique-t-il. Avec une préfète du Rhône très peu conciliante qui lui a demander de quitter la France, un Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur qui lui a répondu qu’il ne pouvait rien faire pour son OQTF, alors, « oui, ce livre est devenu très important, il est devenu mon passeport, il m’a donné mon titre de séjour ».
Aujourd’hui, Mamadou Sow a une compagne, une Guinéenne qu’il a rencontré en faisant ses courses. Ils ont eu un enfant, vivent dans un appartement et le jeune papa compte bien déjà retourner dans son pays pour revoir sa maman et son jeun frère (son papa est depuis décédé) avant de monter une société de transport entre la France et son pays. De pouvoir circuler librement. « C’est davantage la circulation que l’intégration qu’il demande » note Azouz Begag.
Ce qu’il a vécu, Mamadou Sow ne le souhaite pas aux jeunes guinéens. « Je leur dirai de ne pas venir en France ou dans tout autre pays, de ne pas emprunter la migration clandestine. Combien sont restés dans la Méditerranée ? »
« Né pour partir, « est un beau roman, un belle histoire » chante Azouz Begag, celle d’un adolescent courageux dont le récit est devenu un livre, son passeport pour la liberté.
J.B.