Elle n’est pas comme nous, elle est noire. Quand Christiane Mathos débarque de sa Martinique natale dans l’hexagone puis à Montceau-les-Mines en 1971, sa présence à une caisse d’un supermarché dénote. Elle n’est pas blanche. Cinquante après, ici, tout le monde l’a acceptée. Son bronzage naturel fait des envieux, « tout le monde veut bronzer », dit-elle alors que Sébastien Lecornu, ministre des Outre-Mer, vient de la décorer des insignes de chevalier dans l’Ordre national du Mérite dans le salon d’honneur de l’hôtel de ville de Montceau-les-Mines alors que règne à l’extérieur, un froid à ne pas mettre un Martiniquais dehors.
Forcément, Christiane Mathos s’est adaptée, mieux, elle s’est intégrée jusqu’à donner des couleurs, sa couleur à sa ville qui l’a accueillie. Avec son fichu dans les cheveux, les couleurs bigarrées de ses tenues, elle a tout d’une Montcellienne qui vit à l’heure martiniquaise, à la mode de chez elle. Son engagement surprend autant que son emploi du temps. « Quand on la pense sur le marché, elle est à la Fondation à Paris. Quand on imagine la voir à la paroisse, elle se trouve dans la cuisine de son restaurant. Quand on la voudrait en mairie, elle est sur sa chère Route des Abolitions avec les maires de Saône-et-Loire. Quand on la croit en rendez-vous dans une permanence parlementaire, elle travaille avec ses Amis des Antilles pour préparer le prochain festival Outre-Mer en Bourgogne (…), comme il nous arrive de perdre Christiane, parce qu’elle est imprévisible. Mais c’est ce qui fait aussi son charme » ne manque pas de dépeindre madame le maire de Montceau.
Christiane Mathos est avant tout une femme de tempérament et de conviction. Son chemin est merveilleux sur lequel elle a rencontré des « émotions simples, riche de sourires, de désillusions parfois, de grandes peines aussi mais avec cette constance à vouloir s’engager au service d’une cause, ses causes » rappelle celle qui la connaît si bien.
Elle force les portes comme elle force l’admiration
Le hasard fait bien les choses, il a voulu qu’elle pose ses pieds en Saône-et-Loire, « un département qui a vu naître de nombreux partisans de l’abolition de l’esclavage, à commencer par Lamartine, signataire du décret d’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848. C’est votre combat et vous avez même participé sous les couleurs de la ville de Montceau, à la signature de la convention de partenariat à l’Elysée en 2015 » souligne le ministre.
Christiane Mathos ne peut admettre l’exploitation de l’homme au mépris de sa volonté et de sa dignité, elle refuse un système fondé sur une injustice millénaire, elle refuse encore la survivance de l’esclavage au XXIe siècle. Son seul choix possible, est « celui de la mémoire, de la vigilance et de la transmission » énumère Marie-Claude Jarrot.
L’Ordre du Mérite lui va si bien, elle le vaut bien quand elle mène une action qui porte un sens et sans sens interdit. Aux portes, elle frappe, n’hésite pas à appeler, à rappeler. « C’est une femme de sangs mêlés, une femme de sang froid qui ose tout mais aussi une femme de sang chaud quand elle prend des colères, jamais méchantes » souligne le maire d’un trait appuyé
Femme élue aux cultures partagées auprès de Marie-Claude Jarrot, elle porte la voix de l’histoire de France, celle de l’esclavage dont « il ne faut pas avoir peur d’en parler. L’abolition a commencé en Saône-et-Loire et, bientôt, au prochain festival OMB, nous matérialiseront le circuit de la mémoire » espère-t-elle.
Son mérite est grand. Entourée de ses deux fils, Samuel et Jérémie, venu spécialement du Québec, d’un très grand nombre d’amis, Christiane Mathos, très émue, a su percer le coeur des siens qui lui disent, « on t’aime ». L’amour est plus fort que tout en Martinique et à Montceau-les-Mines. Les yeux pour le dire, le coeur pour le ressentir.
« Au moins qu’on se laisse aimer » écrivit le chevalier Bertin, poète créole.
Jean Bernard
Largement mérité ! Autant d’énergie pour gérer toutes ces activités dans une seule personne c’est impressionnant ! Bravo à elle !