Des chansons de 1939 à 1945. Le temps de la guerre, celui des restrictions, des privations, des émotions dont le public de l’Embarcadère s’est imprégné avec la comédie musicale, « La vie des Français sous l’occupation » par Rutabaga Compagny dans le cadre du 80e anniversaire de la libération de Montceau-les-Mines.
Le public a souri, s’est même amusé de scènes cocasses ou de chansons légères comme Félicie aussi. Il aurait sans doute aimé se mêler aux Zazous et leur insouciance devant le danger mais surtout, échapper à un quotidien bien morose pendant l’occupation.
Le public a mouillé le coin des yeux en entendant le chant des déportés… piocher… piocher ou a plongé dans ses plus profonds souvenirs à l’évocation de Mon amant de Saint-Jean et du rutabaga, ce légume guère apprécié mais qui calmait la faim.
Cette reconstitution sur la scène de l’Embarcadère est abordée avec le sourire, la gravité et l’émotion dont le mérite revient à cette troupe d’amateurs, tantôt chanteurs, tantôts comédiens, tantôt danseurs qui depuis des mois, sous la houlette de Claude Maillot-Bagnard (direction, adaptation et mise en scène) a répété et restituer avec talent la grande et la petite histoire.
J.B.
Du bas de mes 4 ans ( c’était justement le jour de mon anniversaire ) j’ai vécu le jour « des réjouissances »de la libération de Montceau et mes souvenirs , indélébiles , sont quelque peu différents de ces reconstitutions festives .
Nous avions rejoints avec ma mère la plupart des Montcelliens valides en ville , entassés sur la place de l’église je crois , face au monument , pour ce que je pouvais voir de mes yeux quand Maman me perchait sur ses épaules avant de me reposer au sol pour reprendre des forces , c à d au milieu des jambes et pantalons . J’étais d’autant plus terrorisée que des salves étaient tirées à blanc par des résistants ayant survécu de chaque côté du monument .
Oui ,les Montcelliens étaient soulagés mais beaucoup pleuraient , à commencer par ma mère dont j’embrassais les joues noyées de larmes quand j’étais sur ses épaules . Elle savait que son plus jeune frère , son « inséparable » , son alter égo , ne reviendrait pas , mort prisonnier des Allemands . Son corps ne fut rapatrié sous cercueil plombé qu’en 1948 . Ma grand mère , dont deux fils avaient combattu , avait été dans l’incapacité de nous accompagner ce jour là . Pour elle , un autre fils , aîné , avait combattu à la guerre de 14-18 et en était revenu gazé . Répétition lourde à porter dans une vie !
Paul Riblet , de notre quartier , le père de ma meilleure copine , avait été abattu au Café Berthier , place Beaubernard .
D’autres drames couvaient dans cette foule massée pour « se réjouir » ! Mais l’insouciance était absente .
Soulagement certes ! Mais qui ne marquait ni la fin des privations alimentaires ni la relance ni la reconstruction instantanées du pays !
A ce sujet , une petite anecdote avait amusé les Montcelliens habitués à d’interminables « queues » devant les magasins d’alimentation ( les tickets d’alimentation étaient encore en usage à la fin de la guerre ) . Longue file d’attente devant la boucheris Desserpris du centre ville où le garde champêtre de l’époque faisait entrer un client quand un autre sortait . A la fveur d’une bousculade plusieurs personnes étaient entrées et notre garde champêtre voulait les faire sortir . De l’intérieur de la boucherie une voix s’est élevée : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baîonnettes » ! Réplique furieuse de notre brave garde champêtre : « Qui a dit ça ? » – Réponse : « Mirabeau ! » – Réaction immédiate du Garde Champêtre : » Mirabeau ! Sortez ! »
L’anecdote a fait le tour de la ville et même les petits des écoles en riaient … qui n’avaient encore jamais entendu parler de Mirabeau !
La photo « en gloire » de Maurice Chevallier en revanche n’est pas vraiment à sa place pour fêter la libération ! Chanteur populaire certes , qui ne s’était pas illustré par son patriotisme pendant l’occupation et les hostilités ! Comme quelques autres célébrités !