Sa démarche est un peu bringuebalante. Avec sa béquille, il avance doucement dans l’allée de son jardin à l’arrière de sa maison rue Saint-Gengoux à Montceau-les-Mines. Un petit havre de paix, au calme, une petite maison dans la prairie, « ah oui, cette série à la télé devant laquelle mes filles pleuraient » se souvient-il. Maurice, le Charles Ingalls montcellien avec sa chemise à carreaux. Il en rigole mais on sent bien que cette évocation le plonge au plus profond de sa mémoire. Ses yeux le trahissent.
Son jardin, Maurice Dessolin est est fier. Il peut. A 86 ans, il ne rêve plus de grandes étendues verdoyantes mais simplement de son carré de terre à cultiver. Ce goût de la terre lui vient de son enfance quand, à Gourdon, à la ferme familiale, il pensait que son père achèterait un tracteur. « Il n’a pas voulu, alors je suis parti ».
Son unique sortie, le jardin
A 20 ans, Maurice, s’en va faire l’armée. D’abord l’Allemagne puis l’Algérie. « J’ai fait mes 26 mois comme tout le monde » dit-il sans trémolos dans la voix. A son retour, il s’engage comme chauffeur poids lourd chez Molina, « mais il ne payait pas assez, alors je suis entré à la mine. J’ai fait 15 ans au puits Darcy ».
La mine file un mauvais filon. Maurice prend donc les devants et passe le concours d’ambulancier à la sécurité sociale de la mine. Une reconversion qui dure encore 15 ans jusqu’à l’âge de la retraite. A 57 ans, il l’a bien méritée. Et en prime, la silicose. Une chance au grattage, une autre au tirage.
Avec le confinement, Maurice Dessolin ne sort pas. Depuis le 17 mars, il n’a pas mis le nez en ville, son jardin est son unique pré carré, son domaine de prédilection. « Cette année j’ai même pris le temps de bêcher moi-même le terrain, d’ordinaire je fais venir quelqu’un avec un motoculteur. J’y vais doucement. Heureusement, Camille, mon amie, m’aide beaucoup. Elle a un an de plus que moi mais elle est plus alerte » dit-il. Du foule sentimentale, « Oh la la la vie en rose ».
Ici, tout pousse, les pommes de terre, les choux, les courgettes, des fraisiers, tomates, haricots, radis, betterave rouge et même des courges au fond du jardin pas loin du cabanon « où j’avais trois poules mais elles ont été bouffées par une bestiole ». La bonne chair attire les prédateurs.
Ses amis lui manquent, les sorties aussi, la famille énormément
Même si le jardin lui passe le temps, Maurice Dessolin n’est pas homme à rester pour autant dans ses deux sabots, mais c’était avant. Du temps où avec Camille, il allait au club du Temps passé au Bois du Verne. « Deux fois par semaine où je retrouvais mes amis et surtout Jocelyne et Robert Fontaine et une fois aussi au Magny, au club des Genêts » souffle-t-il presque avec nostalgie. « Un p »tit resto ferait du bien aussi ». Puis il questionne. « Vous croyez qu’on pourra bientôt faire un barbecue ? » Il est insatiable Maurice.
Pour les courses, pas de souci, les commerçants viennent livrer à domicile et « la petite-fille de mon amie s’occupe également de l’approvisionnement ». Tout est réglé, organisé comme le jardin. Impeccable.
Les amis, les sorties et la famille. Cette dernière est loin. « J’ai une fille à Metz, une autre à Villeurbanne et un fils à Clermont-Ferrand. Il travaille chez Michelin et vous savez ce qu’il fait en ce moment ? Des masques ». Il rigole.
Il pense à eux, à ses sept petits-enfants également. « Ils m’appellent tous les jours » précise Maurice puis se tait. Il observe son jardin. Un rayon de soleil apparaît, « ça fait du bien, ça pousse, j’y’en entends ».
Qu’est ce qu’on est bien chez Maurice.
Jean Bernard