Joie de la confiance, bonheur du courage et humble discrétion
Pour Noël cette année, nous aurions tant désiré que la situation soit différente !
La France est engluée dans cette espère de lassitude, de fatigue, parfois aussi d’angoisse face à une pandémie qui n’en finit pas. Nous connaissons les conséquences. Souvent, nous devons être avec le masque, ce que je trouve normal puisque l’épidémie continue. Il y a énormément de fatigue dans notre pays. Il y a des épreuves plus graves et, peut-être aussi, des aspirations à vivre que nous n’osons plus exprimer.
Nous sommes donc dans ce contexte d’une pandémie qui dure et qui est épuisante pour beaucoup d’entre nous, et qui inquiète, contexte aussi d’une lutte contre le réchauffement climatique dont nous sentons bien qu’elle en est encore à ses débuts. Ce Noël est marqué aussi par le fait que nous entrons en France dans la préparation des élections présidentielles et législatives. Ce sont des périodes dont nous sentons bien qu’elles peuvent générer entre nous des nouvelles confiances, ou, au contraire, des fractures plus graves. N’en restons pas à ressasser des opinions de surface.
Et c’est dans ce contexte que je voudrais réfléchir avec vous au message de Noël de cette année, atour de trois expressions :
La confiance. Sommes-nous encore capables de faire confiance aux autres et d’être dignes de confiance ?
Le courage. Que signifie d’agir avec courage ou, au contraire, que voudrait dire de nous laisser aller simplement à des invectives contre les autres, sans agir nous-mêmes ?
La discrétion, l’humble discrétion « divine ». J’emploie cet adjectif car, pour moi, Noël est la traduction de l’infinie discrétion de notre Dieu qui vient épouser notre nature humaine, se faire l’un de nous pour nous réintroduire dans sa vie.
Une nouvelle confiance
Dans le mot confiance, il y a foi, c’est-à-dire le fait de se fier à quelqu’un. Nous avons aujourd’hui un risque, celui de tellement vouloir vérifier les conditions de l’avenir, la véracité des propos, l’absence de fake-news, que nous risquons d’abîmer en nous cet acte fondamental qu’est celui de la bienveillance et de la disponibilité à entendre la parole d’un autre. Et tant qu’il y a cette disponibilité, il y a de l’avenir pour le monde.
Noël est l’expression de la confiance inouïe de Dieu dans notre humanité, au point de s’y incarner.
C’est aussi un appel à se faire davantage confiance les uns envers les autres. Nous élirons un président de la République, des députés. Nous cherchons à nous interroger : est-ce que je fais confiance à cet homme, cette femme ? Suis-je encore capable de faire confiance aux institutions de notre pays, de l’Eglise, des associations ? Est-ce que j’ai un minimum d’ouverture et de confiance envers ce qui existe ?
Cela ne veut pas dire sans regard critique, mais en ne commençant pas par la critique. Mon premier souhait est donc que des espaces s’ouvrent pour une nouvelle confiance.
La liberté du courage
Aujourd’hui, ceux qui ont le courage d’avancer, d’agir, sont rarement bavards. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, qui sont à leur affaire et cela ne fait pas de bruit. Nous savons qu’il y a aussi parfois des invectives, des propos jetés comme cela en pâture à tous, qui découragent d’entreprendre, puis découragent finalement la vie elle-même.
Ce mot de courage, je le joins au mot de liberté. Souvent, nous avons le sentiment que nous ne sommes plus capables d’avancer, que les choses sont trop difficiles. Et nous entrons soit dans la passivité, soit dans la colère. Mais le courage, c’est autre chose. C’est une persévérance collective et personnelle pour choisir d’entreprendre du bien plutôt que de critiquer. Ceux qui passent leur temps à fouiller la vie des autres n’en ont plus pour habiter leur propre existence. Et le vrai courage, c’est celui de vivre.
Ici, il y a quelque chose de très important. Noël me rappelle que notre Dieu n’est pas venu fouiller notre vie, mais la sauver. Il est venu faire sortir de la mort, de la défiance, et finalement, du désespoir, la vie de ceux qui attendaient un salut. Aujourd’hui, attendons-nous toujours le salut ? Je n’en suis pas sûr. Ou alors nous nous cachons derrière des idoles ou des messies du moment. Le Christ ne vient pas de l’extérieur de notre vie. Il vient naître parmi nous. Et c’est de l’intérieur de nos relations humaines et de notre liberté qu’il se manifeste. Je souhaite à chacun et à chacune, de retrouver en ces jours de Noël, dans l’intimité des joies familiales, cette belle source du courage si importante pour vivre.
L’humble discrétion
Dans nos villages, nos familles, au fond, nous aimons bien échanger des souvenirs et rêver un avenir.
Nous aimons reprendre des histoires qui font du bien, ne pas ressasser ce qui a été notre honte, par exemple, et nous aimons encore moins que les autres nous le rappellent ! Il y a une discrétion normale qui n’est pas l’occultation du passé, mais le fait de mettre peu à peu à distance ce qui n’a pas lieu d’être toujours étalé sur la place publique. Personne n’a envie d’être vu par le plus mauvais côté de la lorgnette. Cela vaut pour la vie collective et pour la vie personnelle.
Je crois que Dieu est infiniment discret. C’est peut-être pour cela, d’ailleurs, que beaucoup l’oublient !
Ce n’est pas une discrétion qui veut s’effacer. C’est une discrétion qui respecte infiniment l’avenir, qui permet à l’avenir de ne jamais être injurié. Et nous savons, dans les familles, quand une naissance arrive, quand il y a des joies, des peines à porter, il y a de nouveaux espaces de beau silence qui se créent. Il y a du silence, du respect : c’est tout cela que Noël porte, au fond.
Alors, avec la joie des retrouvailles, la joie des fêtes, des échanges de cadeaux, je vous souhaite d’éprouver de nouveau la joie de la confiance, le bonheur du courage et cette humble discrétion hors de laquelle notre société ne se construira jamais tout à fait bien.
Bon Noël à tous !
Joie de cette nativité du Christ parmi nous !
+ Benoît RIVIERE
Evêque d’Autun, Chalon, Mâcon