Communiqué de la coordination des espaces de La France insoumise.
Le déploiement massif de la 5G résume à sa manière les valeurs et méthodes du gouvernement Macron : une technologie anti-démocratique, anti-écologique, néolibérale, à l’utilité sociale et économique chancelante, pariant sur la création de nouveaux besoins qui s’ignorent et la marchandisation des données personnelles. Il est urgent de redonner le pouvoir au peuple : un moratoire doit laisser le temps à un débat citoyen sur l’utilité de la 5G pour notre société à l’heure de la crise écologique. Un droit à l’alternative doit garantir que le progrès ne passe pas par un numérique imposé à tous.
La 5G, un projet anti-démocratique
Au mépris des 150 citoyen·nes de la Convention citoyenne sur le climat qui demandaient « un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat », le gouvernement passe une nouvelle fois en force. En lançant les enchères 5G dès le 29 septembre, il se conforme aux desiderata de la Commission européenne exprimés dans la directive 2018/1972 et satisfait aux intérêts d’une caste industrielle et financière, incompatibles avec notre contrat social. Le Gouvernement tente de faire croire que l’avis des autorités sanitaires sera respecté. Mais comment revenir en arrière quand les opérateurs devront débourser plus de deux milliards d’euros pour l’achat des premières fréquences ? Pourtant les citoyen·nes s’inquiètent légitimement de l’impact sur leur santé des ondes émises par cette nouvelle technologie. Ils ne seront pas plus rassurés de voir que le gouvernement ne rend pas public le premier rapport attendu sur le sujet, celui de l’Inspection générale des affaires sociales.
La 5G, un projet anti-écologique
Le secteur numérique constituera 7 à 8 % des émissions de Gaz à effet de serre (GES) d’ici 2025 et 46 milliards d’objets connectés d’ici 2030. Suivant certaines prévisions, la 5G elle-même devrait générer 6 à 13 millions de nouvelles antennes, entre 900 millions et 3,3 milliards de nouveaux smartphones sur le marché. Cette surenchère technologique représente un coût environnemental non-vivable pour des usages grand public non essentiels.
Le renouvellement massif des équipements et la production d’objets connectés généreront encore davantage de déchets électroniques demain et consommeront davantage de terres rares qu’aujourd’hui, avec toutes les questions humanitaires et environnementales que cela implique.
En cas de déploiement massif, le prix environnemental à payer ne sera pas compensé par la moindre consommation énergétique des équipements 5G. On nous annonce une multiplication par 100, voire 1 000 du trafic de données, la possibilité de connecter beaucoup plus d’appareils. La technologie va créer le besoin et l’effet rebond sera inévitable, comme il s’observe déjà en Corée du Sud : la consommation finale de données et d’énergie augmentera. Les investissements consentis par les acteurs du secteur vont enclencher une logique d’usages sans contrôle, en commençant par les plus superficiels…
La 5G, un projet libéral opposé à notre souveraineté
… Ou les plus dangereux : la 5G est vue comme permettant de multiplier les capteurs, d’automatiser les processus, de développer la « ville intelligente ». Cette numérisation à marche forcée va conduire à une augmentation de la collecte de nos données personnelles renforçant le capitalisme de surveillance et de revente de nos informations par les GAFAM et les sociétés de courtage de données.
Or, engoncés dans leur dogme libéral, l’Union européenne comme ses états-membres sont incapables d’assurer le contrôle de leurs infrastructures. Avec respectivement 28 % et 10 % du marché européen des équipements télécoms dominés par Huawei et ZTE (2019) et 51 % du marché mondial des cœurs de réseaux contrôlé par Cisco (2019), l’Europe s’enferme dans une armature technologique chinoise et américaine contrevenant à sa souveraineté. L’Union européenne, de même que les états-membres, donnent une réponse en demi-teinte aux relations opaques de Huawei avec le pouvoir chinois. Est-il souhaitable de favoriser la collecte massive des données personnelles des Européens dans un écosystème contrôlé par les GAFAM américaines alors que le Cloud Act donne aux États-Unis un pouvoir d’investigation extraterritorial ?
La 5G, un projet à l’utilité sociale et économique chancelante
Est-ce que la 5G serait au moins une opportunité économique solide comme on veut bien nous le dire ? En plus de l’achat des licences et des antennes, elle aura un coût de fonctionnement plus élevé que les générations précédentes (complexité et augmentation probable de la consommation énergétique globale des réseaux). Les opérateurs ne manquent pas de rappeler leurs difficultés financières et d’appeler les fonds publics à sponsoriser les déploiements pour soutenir leur rentabilité. La Chine injecte plus de 19 millions d’euros pour la couverture de Shenzhen seulement.
On nous vend bien sûr des créations d’emploi. Mais la privatisation du secteur et la concurrence exacerbée entre les acteurs rendent cette promesse illusoire. En France, les salarié·es des équipementiers en font déjà les frais. Dans le domaine de l’innovation, les recrutements d’Ericsson ne compensent pas les 1 233 suppressions de postes annoncés par Nokia. Quant à l’installation des nouveaux matériels 5G, la CGT du secteur nous rappelle qu’elle se fait déjà à grand renfort de travail détaché. Après avoir laissé s’échapper en 2006 puis 2015, le contrôle d’Alcatel, la France est donc incapable de conserver ces compétences précieuses pour préparer l’avenir de nos réseaux de télécommunications. Échappant à toute logique de service public et engagé dans des dépenses débridées, le secteur des télécommunications aura toujours moins d’intérêt à couvrir les zones rurales, peu rentables, où l’accès mobile à internet reste mauvais.
La nécessité d’une alternative
Malgré toutes ces alertes, seule prévaut la logique de la croissance technologique débridée, alors même que le numérique pose difficulté aux Français·es. En 2018, le CREDOC indiquait que 36 % des personnes interrogées éprouvent une inquiétude à l’idée d’accomplir la plupart de leurs démarches administratives. En 2019, le Défenseur des droits contribuait à mettre encore plus en lumière le problème en soulignant la fracture numérique induite. Il ne s’agit pas de rejeter le numérique dont le même rapport indiquait les bénéfices. Il s’agit de réinterroger démocratiquement l’avenir du numérique dans notre société et la mise en œuvre de la 5G en est une très bonne occasion. C’est pourquoi il est nécessaire d’exiger :
- un moratoire sur le déploiement des technologies liées à la 5G sur le territoire national, tant qu’il subsiste un doute raisonnable quant à la sécurité et à la soutenabilité écologique de long terme des technologies déployées ainsi qu’à la finalité de celles-ci ;
- un débat démocratique sur les usages de la 5G en faisant dialoguer les citoyen·nes, les chercheur·ses et les salarié·es du secteur. Ce débat doit permettre d’examiner si des usages pertinents et porteurs d’un réel progrès social existent. Nous devons saisir l’occasion de ce débat pour inventer un moyen de contrôle démocratique des choix technologiques en dehors des enjeux de rentabilités ;
- la préservation de nos compétences industrielles françaises et européennes pour développer les bifurcations technologiques décidées collectivement ;
- la création d’un droit à l’alternative : le numérique, ce n’est pas automatique. Aucune démarche administrative ne doit être accessible uniquement par voie dématérialisée et un accueil humain de qualité doit être conservé.
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