Lionel Gauthier a retrouvé dans ses archives l’histoire de cette bataille.
10 juin 1944
Depuis avril , la Résistance de Montceau-les-Mines se tient prête pour l’insurrection qui doit suivre le Débarquement des alliés en France . Les hommes sont recrutés et patientent . Pour beaucoup se sont des mineurs , ils attendent l’ordre de « monter au maquis ».
Les fermes de la Croix-Bousseau , au pied du Mont-Saint-Vincent , ont été choisies par la Résistance pour installer un camp de mobilisation afin d’accueillir les maquisards . Les hommes déjà intégrés dans le maquis ont préparés les lieux .
Le 6 juin 1944 , les Américains , les Anglais et leurs alliés débarquent en Normandie . A Montceau la nouvelle se répand comme une traînée de poudre à l’annonce de Radio-Londres . Environ 600 à 800 hommes quittent le Bassin-Minier de Montceau pour le maquis . Malheureusement , les chefs qui n’avaient pas prévu une telle affluence , n’ont pas assez d’armes pour équiper tant d’hommes . Ils ne purent en armer que 400 .
Un tel mouvement d’hommes et l’arrêt de la mine qui produisait pour l’Allemagne ne peut pas passer inaperçus aux yeux de l’occupant . Les autorités françaises tentent de rappeler au travail les mineurs , grévistes ou maquisards . Néanmoins , l’occupant n’entend pas laisser la Résistance s’organiser dans la région et le 10 juin , au début de l’après-midi , environ 500 soldats ennemis approchent du Mont-Saint-Vincent .
Au maquis de la Croix-Bousseau , il faut organiser le départ . Il est impossible pour cette troupe inexpérimentée de soutenir un siège fait par des professionnels de la guerre . En effet , l’ennemi, encadré par la Gestapo de Dijon , est constitué de miliciens français et des sous-officiers allemands de l’école d’artillerie d’Autun . Beaucoup de ces hommes ont déjà combattu pendant la campagne de France en 1939-1940 et en Russie contre l’armée rouge .
A 15 heures , arrivant au Mont-Saint-Vincent , la colonne allemande se divise en deux . Une partie se place en réserve au hameau de la Gare tandis que l’autre monte dans le bourg . 10 otages sont pris dans la population et les maisons sont fouillées . Cependant , rien ne prouve que la population locale aide la maquis , les otages sont relâchés . Toutefois , les soldats remarquent de l’agitation en contrebas du Mont . Il s’agit bien des maquisards qui tentent de prendre la fuite .
Les Allemands installent un mortier derrière l’église et tirent sur le hameau de la Croix-Bousseau et le bois qui le borde . Les maquisards doivent désormais se replier rapidement .
Durant le bombardement un maquisard est tué :
André JOURDIEU , dit « Zieu » ou « Racine » était un jeune homme de 21 ans issu d’une famille nombreuse . Au début de la guerre , il travaillait comme commis de ferme à Gourdon , ce qui lui permit d’aider aux passages clandestins de la Ligne de Démarcation . Pour éviter de partir travailler en Allemagne , il s’engagea à la mine . Voulant combattre les Allemands , il avait rejoint le maquis Francs Tireurs et Partisans (d’obédience communiste) de Collonge-en-Charollais puis était passé au maquis gaulliste de Mont-Saint-Vincent .
Pendant que les maquisards se replient comme ils le peuvent , les plus aguerris , membres des groupes-francs André, Jacques et Robert (surnoms de leur chef), organisent la contre-attaque depuis leur Poste de Commandement à Marizy :
D’une part , une cinquantaine d’hommes , menés par Jean-Marie Jeandet , dit « Robert » se portent en direction de la Gare où se trouvent une partie des Allemands . D’autre part , une vingtaine d’autres , commandés par George Machuron dit « Geo » se dirigent sur Mary où les Allemands ont décidé de se rendre après avoir quitté le Mont-Saint-Vincent .
Quand le premier groupe arrive à la Gare les Allemands ont quitté les lieux emportant avec eux 3 hommes présents sur les lieux : Louis Vieroux , Robert Billard et Paul Couriat . Les deux derniers attendaient d’être rappelés par le maquis afin d’être armés .
Pendant ce temps , le second groupe de maquisards arrive au Bois de Boulogne à Mary . Ils s’y s’installent et délèguent cinq hommes en avant-poste en direction du Mont-Saint-Vincent . Ces maquisards s’embusquent 500 mètres plus en avant et attendent le convoi allemand . Quand celui-ci est a porté de tirs , les maquisards font feu semant la panique dans les rangs ennemis . Cependant , les Allemands se reprennent vite et lancent une contre-attaque . Un repli est nécessaire .
C’est au cour de celui-ci que le jeune Maurice Cabaton s’écroule sur la route , atteint par deux balles allemandes .
Maurice CABATON, dit « Cabat », mineur , 21 ans , intègre la Résistance au printemps 1944 dans le groupe-franc Jacques qui rejoint le maquis de Marizy quelques jours avant le Débarquement . Avec son groupe , il aide à l’organisation du camps de Mont-Saint-Vincent . Le 10 juin 1944 , il se porte volontaire d’une part pour faire partie de la contre-attaque et d’autre part pour chercher le contact avec l’ennemi sur la route de Mont-Saint-Vincent .
Alors que les hommes à l’avant-poste rejoignent leurs camarades au Bois de Boulogne , les deux colonnes allemandes se reforment en une seule , et le groupe de Jean-Marie Jeandet entre à son tour en contact avec l’ennemi . Et c’est de flanc qu’ils frappent .
Durant cette attaque, Alfred Michel est touché de deux balles et s’écroule à 50 mètres du carrefour où est tombé Maurice Cabaton.
Alfred MICHEL, dit « le Pitchoun » , mineur, 39 ans, fait partie du groupe-franc Robert dit aussi groupe-franc des Braconniers , la réputation de ses membres étant faite . Il prend le maquis avec son groupe quelques jours avant le Débarquement afin d’organiser l’accueil des hommes attendus . Il fait partie de la cinquantaine d’hommes conduit par Jean-Marie Jeandet et qui attaque de flanc la colonne allemande .
Au même moment , les Allemands arrivent en vue du carrefour du Bois de Boulogne où les maquisards les attendent . Une nouvelles fois toutes les armes se déchaînent . A plusieurs reprises les Allemands se rapprochent mais sont repoussés .
Au bout d’un moment , devant la pression de l’ennemi vingt fois plus nombreux qu’eux , les maquisards doivent quitter les lieux sous les balles ennemies .
Dès lors , les Allemands arrivent au Bois de Boulogne et investissent les premières maisons du village .
Sur les lieux de l’embuscade , ils exécutent Louis Marillonnet venu tenir compagnie à Mme Desrats propriétaire du café placé au cœur des combats . Le café est mis à sac et brûlé . Dans la maison voisine , les quatre membres de la famille Bertrand : les parents Jean et Cladie et leurs deux fils Maurice et Claude sont assassinés à leur tour devant leur maison .
Quelques soldats gardent les otages pendant que les autres poursuivent leur avancée en direction du hameau du But . Là , ils entrent dans les maisons , fouillent et pillent puis arrêtent quatre hommes , Charles et Louis Gabon , François Theureau et Claude Loreau . Ces derniers sont exécutés à quelques pas de chez-eux .
Pendant ce temps un détachement de 10 soldats allemands partis en direction du hameau du Bois arrêtent cinq autres personnes : Marcel et René Marillonnet , Raymond Forest , Tadeusz Wegrzyniak et Henri-Paul Bloch .
Une fois la colonne réunie , les soldats s’apprêtent à repartir . Certains tirent des rafales sur les façades des maisons . La jeune Cécile Blondeau reçoit alors une balle au pli de l’aine qui lui sectionne l’artère fémorale . Elle meurt en quelques minutes sous les yeux de sa famille qui , à son tour , se voit bousculée par les Allemands avant d’être relâchée. Les soldats tentent de mettre le feu à la maison , mais M. Blondeau parvint à l’éteindre avant qu’il ne se propage .
Les Allemands quittent alors Mary , emportant avec eux les huit civils prisonniers . Ces derniers sont conduits à la prison de la rue d’Auxonne à Dijon avant d’être déportés en Allemagne dans les camps de la mort . Seul M.Bloch , malgré le fait qu’il soit Juif , a pu , par chance , échapper à la déportation . Là-bas moururent René Marillonnet , Raymond Forest et Paul Couriat .
Bilan d’une journée tragique :
Du côté des Allemands et des miliciens , les pertes ne sont pas connues .
Pendant les combats …
3 maquisards sont morts au champs d’honneur :
André JOURDIEU
Maurice CABATON
Alfred MICHEL
Plusieurs furent blessés par l’ennemi :
René THYARION au bras
André BROSSELIN à la tête
Roger DURET à la jambe
…Et après les combats : les représailles, bafouant la Convention de Genève qui régit les lois de la guerre :
10 civils exécutés froidement :
Louis MARILLONNET
Cladie, Jean, Maurice et Claude BERTRAND
Charles et Louis GABON
François THEUREAU
Claude LOREAU
Cécile BLONDEAU
8 civils arrêtés dont 7 qui sont déportés , 3 d’entre-eux sont morts en Allemagne :
René MARILLONNET
Paul COURIAT
Raymond FOREST
Environ 25 otages à Mont-Saint-Vincent et Mary, libérés dans la journée.
Des dizaines de maisons pillées et saccagées
Et combien de vies traumatisées ?
Article très émouvant.
A cette époque mon arrière grand père (père de ma grand mère maternelle) était le maire de Mont-Saint-Vincent et j’avais de ce fait entendu quelques souvenir de ma grand mère étant alors petite fille de cette période. Le fait qu’il avait aidé a cacher des armes et que les allemand avaient fouillé toutes les maisons à leur recherche. C’est assez émouvant de lire ce qu’il s’est passé.