Romain Rozand n’est pas un druide comme peut l’être Panoramix qui, grâce à ses potions magiques, fait pousser un arbre à la vitesse de la lumière. De la bande dessinée à la réalité, il y a donc une forêt que nous ne raserons pas.
Raser, ce mot n’appartient pas au vocabulaire de Romain Rozand, lui le technicien forestier indépendant installé désormais à Blanzy. En somme, il s’occupe de la gestion et de l’exploitation forestière des propriétaires privés qui représentent 75% de la surface boisée en France. « La moyenne d’une propriété est de 4 hectares » précise-t-il.
Evidemment, il ne peut empêcher les coupes à blanc, « c’est toujours le propriétaire qui décide », prévient Romain Rozand. Mais au moins aura-t-il conseillé son client en se posant la bonne question : est-ce que cela vaut le coup de couper, il faut peser le pour et le contre. « De toute manière pour couper plus de 4 hectares, il faut une autorisation et quand on abat plus de 2 hectares de forêt, il faut replanter. Moi, je refuse une coupe blanche de feuillus sauf que le propriétaire a la possibilité de faire appel à un autre technicien forestier. Mais je ne veux pas participer à ça, c’est l’image de ma société qui en souffrirait ».
Sa société a pour nom Taurë qui veut dire grande forêt, c’est tiré du Seigneur des anneaux. Pour ce jeune patron de 34 ans qui a eu son bac agricole, un BTS de gestion forestière, une licence de commerce du bois, son job notamment est de sélectionner les arbres matures ou malades. « On coupe autant que la forêt produit naturellement, couper pour apporter de la lumière aux arbres, qu’ils deviennent plus jolis et poussent plus vite ».
Pas encore de baobab en Bourgogne
Car l’essentiel du problème, c’est le temps. Le temps de laisser un arbre pousser. Un chêne, un vrai, un robuste, c’est 150 ans. Car une forêt, c’est de l’argent qui pousse. « Vous pouvez tout couper d’un coup pour en gagner plus puis attendre 30, 40 ans avant de recommencer ou le faire tous les 6/7 ans et assurer un revenu régulier » explique Romain Rozand. « C’est pourquoi je fais des plans de gestion sur 20 ans ». De la coupe raisonnée.
D’autant plus que la forêt gérée durablement serait bel et bien une des solutions avancées pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, « même si nous avons au moins 50 ans de retard » avoue le technicien. C’est par exemple faire pousser des essences habituées au milieu aride qui viennent d’Afrique ou de Californie. Alors pas de baobab encore à l’horizon mais sans qu’on s’en rende compte et contre les idées reçues, « depuis 50 ans, la surface forestière augmente tout simplement parce que des terres agricoles abandonnées repartent en bois » ajoute-t-il.
Du bois du faire des charpentes avec le tronc de résineux (70%), des panneaux de particule et des granules pour les chaudières. « Dans un chêne, la palette est plus large. Il sert pour les tonneaux, la menuiserie, l’ébénisterie, le parquet, la charpente aussi et, un temps, les traverses de chemin de fer » énonce le Blanzynois.
Dans le Bassin minier, la mine a beaucoup utilisé le châtaignier et le chêne. « Aujourd’hui, j’alimente notamment Moncia, le chauffage urbain avec les déchets, ce que je ne peux pas vendre aux scieries ».
Technicien forestier, voilà un beau métier à mettre en lumière. Romain Rozand est dans son élément. Il ne parle pas aux arbres, ils les écoute. Silence, ça pousse.
Jean Bernard