Un dernier hommage – Roger Joly : une vie de résistance, un siècle de mémoire

À chaque célébration, chaque commémoration, malgré le poids des ans, une place lui était toujours réservée. Faire sans lui eût été une offense. Roger Joly, figure montcellienne de la Résistance et de l’engagement, imposait le respect par sa seule présence.

Ce vendredi 19 septembre, baigné d’un soleil doux, devant le cimetière du Bois Roulot de Montceau-les-Mines, on l’imaginait encore aux premières loges. Appuyé sur sa canne, « avec ton regard vif et clair, et ce petit sourire malicieux au coin des lèvres », se souvient Patrice Jacob, président départemental de l’ANACR. Devant lui désormais, son ami Roger repose en silence, drapé dans les couleurs de la République : bleu, blanc, rouge.

Roger Joly s’est éteint lundi. Il avait fêté ses 100 ans le 16 mai dernier. Quelques mois auparavant, en décembre 2024, la France lui avait enfin remis la plus haute de ses distinctions : la Légion d’honneur. Il était temps. Une reconnaissance tardive que son fils Bernard et ses petites-filles conserveront comme une relique précieuse. « Un hommage venu sur le fil », admet Michel Beaussier, président du comité de la Légion d’honneur Creusot-Montceau.

En ce jour d’adieu, nombreux sont ceux qui ont tenu à saluer sa mémoire. Son fils Bernard a retracé avec émotion le parcours de cet homme hors du commun, rappelant l’une de ses convictions profondes : « Il pensait que la paix viendrait avec le vote des femmes ». Une pensée lumineuse, témoin de son engagement pour une société plus juste.

Mais Roger Joly, c’était surtout le Résistant aux cent combats : coupures de lignes téléphoniques, arrestations multiples par la police en 1944, entrée au maquis Jean Pierson, sabotage des voies ferrées, échanges de tirs avec les troupes allemandes, participation à la libération de Mâcon… Il avait contribué à bouter le nazisme hors de France. « Jamais il n’aurait imaginé voir ressurgir le racisme et le fascisme », confie son fils avec gravité. « Alors que la guerre frappe aux portes de l’Europe, avec son cortège d’horreurs », ajoute Patrice Jacob.

La guerre, Roger ne la quitta vraiment qu’en août 1947, après avoir servi dans le 5e régiment de dragons, terminant son engagement comme force d’occupation en Allemagne, puis en Autriche.

Il fut la mémoire vive de Montceau. De génération en génération, son parcours de Résistant a marqué les esprits. « Tu considérais que ta mission, au sein de l’ANACR, était de transmettre les valeurs de la Résistance », témoigne le président de l’association.

« Vous avez sans doute été l’un des plus ardents défenseurs de cette mémoire. Celle de la guerre, de la liberté reconquise, que vous n’avez cessé de transmettre aux jeunes générations », rappelle madame le maire, Marie-Claude Jarrot.

Dans les lycées et collèges _ notamment au collège Jean Moulin de Montceau-les-Mines _ il a témoigné pendant plus de vingt ans. « Il a été un porteur de mémoire, un passeur », confie Pascal Lagoutte, ancien principal de l’établissement. « Roger Joly fut un homme ordinaire confronté à une situation extraordinaire. Il a choisi de dire non à l’oppression, de défendre la justice au péril de sa vie ».

Madame le maire se souvient encore de ses mots : « J’étais un homme de paix. Mais on a été pris dans une histoire incroyable. On était des bandits, des rebelles. On voulait être libres… On a fait notre possible !« 

Après-guerre, Roger travailla 23 ans aux puits Plichon et Darcy. Mais ici, à Montceau, on se souvient surtout de l’Annexe, ce bar de la rue Jean Jaurès, juste à côté du syndicat des mineurs, qu’il a tenu pendant 40 ans avec Juliette, sa femme. Un lieu de vie et de débats, repaire des camarades syndiqués CGT, des mineurs, des copains. Un bar où l’on refaisait le monde, avec passion.
« Tu y accueillais même André Jarrot, avec qui, au-delà des étiquettes, tu partageais un même idéal, une certaine idée de la France », se rappelle encore Marie-Claude Jarrot.

Roger Joly avait adhéré à la CGT en 1947. Il ne l’a jamais quittée. « Il fut un témoin précieux d’un monde aujourd’hui disparu », souligne Patrick Robin, secrétaire général du syndicat des mineurs CGT.

Roger Joly, c’était la bonté incarnée. Il rendait le monde plus beau. « Toi que l’on appelait affectueusement ma Beauté », embellit madame le maire.

La beauté, disait-on, est la lumière du cœur. Cette lumière, Roger Joly la portait en lui, et elle continuera de briller à travers ceux qu’il a touchés.

C’était un homme de principes. Un caractère bien trempé, certes, mais un cœur immense. Il avait commencé à travailler à 14 ans. Toute sa vie, il appliqua quatre valeurs essentielles, résister, maîtriser, partager, transmettre, résume Patrice Jacob.

Un modèle. Un phare. Un homme que Montceau n’oubliera jamais.

Il avait compris, avec Saint-Exupéry, que Mourir, ce n’est rien ; ne pas vivre, c’est terrible.

Reposez en paix, Roger Joly.

 

 

J.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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