À Montceau-les-Mines, la terre a longtemps respiré au rythme de la mine. Un souffle profond, noir et chaud, où se mêlaient la fatigue, la solidarité et les rêves d’avenir. C’est dans cette terre que sont venus s’enraciner, un siècle plus tôt, ceux qu’on appelle aujourd’hui les Déracinés : Polonais, Italiens, et tant d’autres visages venus d’ailleurs, portés par l’espoir d’une vie meilleure.
1918 : les Polonais, la paix retrouvée et le courage en bandoulière
La guerre vient de s’achever. L’Europe panse ses plaies, la France manque de bras.
En 1918, une convention lie la Pologne à la France : les travailleurs polonais peuvent venir prêter main-forte dans les mines. Ils arrivent à Montceau, les mains calleuses mais le cœur plein d’espoir.
Ils ne connaissent pas encore la langue, mais ils connaissent la valeur du travail. Dans les maisons, les rires d’enfants résonnent bientôt entre les baraques en bois.
Pendant que les Français redécouvrent le goût des bals et des dimanches en musique, les Polonais descendent chaque jour dans la mine, affrontant la chaleur, la poussière, le danger.
Le soir, ils rentrent fourbus, mais fiers. Car au fond du puits, sous la terre, ils creusent leur place dans l’histoire de Montceau.
1924 : l’école, lien entre deux patries
En 1924, des instituteurs polonais rejoignent la communauté. Ils viennent enseigner, non pas pour effacer, mais pour relier : apprendre le français, sans oublier le polonais ; transmettre la République, sans renier la Pologne.
Dans les salles de classe, les enfants jonglent entre deux langues, deux hymnes, deux espoirs.
C’est ainsi que naît une génération qui ne se sent ni tout à fait d’ici, ni tout à fait d’ailleurs — mais pleinement de Montceau-les-Mines.
La guerre : la douleur partagée
Puis vient 1939. L’Allemagne envahit la Pologne. Le pays natal est piétiné, les familles sont bouleversées.
À Montceau, les Polonais partagent désormais les peines de leurs voisins français : les privations, la peur, les tickets de rationnement, la Résistance, la guerre au pas de la porte.
Sous la poussière du charbon, les frontières s’effacent. On devient frères d’armes, frères de peine, frères d’humanité.
Les années 1950 : l’Italie s’invite à Montceau
Après la guerre, c’est au tour des Italiens de faire le chemin vers Montceau. L’Italie est à genoux, ses mines ferment, ses campagnes se vident. Le bâtiment et l’agriculture française manquent de main-d’œuvre.
Alors les Italiens partent, valise en main, espoir au cœur.
Montceau s’éclaire de nouveaux visages. Les Italiens s’installent, trouvent du travail, une maison, des amis. Don Camillo, tend la main, guide, console, unit.
Les Italiens retrouvent leur place au sein de « la bonne immigration » comme le disait le Général De Gaulle.
Les Déracinés : un spectacle, une mémoire vivante
Aujourd’hui, le spectacle Les Déracinés redonne vie à ces histoires.
Sur scène, la musique, le théâtre, la danse et le chant se mêlent pour raconter un siècle de courage, de sueur et d’amitié.
Les voix polonaises répondent aux accents italiens, les costumes de mineurs croisent les robes de bal, et les enfants d’hier deviennent les témoins d’aujourd’hui.
Le spectacle s’achève sur une farandole joyeuse, où tous se donnent la main, Polonais, Italiens, Français.
Une ronde symbolique, légère et grave à la fois, comme un souffle de mémoire qui dit : « Nous étions déracinés, mais ici, à Montceau, nous avons trouvé notre terre ».
Les Déracinés, une mise en scène de Gilles Macaglia, avec Polonia, Bella Italia et le jumelage Montceau–Żory, a ému le public. Une fresque musicale et humaine, conclue par une folle farandole symbole d’unité et de mémoire.














