Jeudi soir, à l’Embarcadère de Montceau-les-Mines, la projection du film « Chroniques de Téhéran » a laissé une empreinte durable dans les esprits. Le film, réalisé par Ali Asgari et Alireza Khatami, enchaîne neuf tableaux à la fois absurdes, ironiques et parfois drôles. De quoi, en surface, prêter à sourire. Mais très vite, ce rire se fige.
Car derrière l’humour subtil se cache une réalité implacable. Une oppression quotidienne, sourde, insidieuse qui donne froid dans le dos. Comme le confiait un spectateur à la sortie, admiratif de la capacité de résistance dépeinte à l’écran, « ce film fait peur, très peur ».
Ce sentiment, Louis Arnaud le connaît intimement.
Arrêté en Iran le 28 septembre 2022, il a passé plus de 20 mois en détention avant d’être libéré le 13 juin 2024. Condamné à cinq ans de prison par la Cour révolutionnaire de Téhéran pour « propagande » et « atteinte à la sécurité de l’État », son témoignage, livré ce soir-là à plus de 200 spectateurs, a été l’un des temps forts de la soirée. « En Iran, il n’y a plus d’espace pour respirer », lâche-t-il, d’une voix calme mais ferme.
Invité par la société des cinémas Panacéas et la section locale de la Ligue des Droits de l’Homme, le Montcellien n’a éludé aucune question. Ce qu’il raconte est saisissant : les téléphones fouillés en permanence, les moindres signes d’insoumission traqués, une population sous surveillance constante.
« Là-bas, les gardiens de la révolution passent leur temps à fouiller les portables à la recherche du moindre indice pour compromettre quelqu’un. Le régime chiite, sous la coupe du clergé, prétend mener un combat du bien contre le mal, ciblant les États-Unis et Israël ».
Et pendant que le contrôle s’intensifie, tout le reste s’effondre. « L’économie iranienne est à genoux. Il y a un décalage abyssal entre l’obsession sécuritaire du régime et l’abandon total du quotidien. Tout le monde surveille tout le monde. Même les gardiens se dénoncent entre eux. J’ai vu ça, de mes propres yeux, en prison ».
Pour Louis Arnaud, une chose est claire : il faut que ce régime tombe. Mais il s’interroge, lucidement : « Le jour où il s’effondrera, que restera-t-il ? «
L’Iran, Louis Arnaud le porte dans le cœur autant qu’il le connaît. Berceau d’une des plus anciennes civilisations, terre de grands penseurs comme Avicenne, Omar Khayyam, Ferdowsi, Hafez ou encore Rûmî, ce pays a façonné la philosophie, la science et la poésie, bien au-delà de ses frontières. Son architecture _ ses coupoles, ses jardins paradisiaques, ses mosquées aux mosaïques délicates _ témoigne d’un raffinement exceptionnel. Et malgré les blessures du présent, la culture iranienne demeure profondément ancrée dans cette grandeur passée.
C’est tout cela que Louis Arnaud veut raconter dans un livre qu’il publiera en février prochain. Un ouvrage très attendu, à la croisée du récit personnel, du témoignage politique et de l’hommage à un peuple pris entre lumière et ténèbres.
J.B.








