Le maire de Blanzy – Hervé Mazurek et le temps des autres

Il a commencé à vider les lieux avant même de les quitter. Quelques tableaux décrochés, des cartons entrouverts, comme autant de signes discrets d’un départ déjà amorcé. Hervé Mazurek est encore maire de Blanzy, physiquement présent, mais l’esprit ailleurs. En janvier 2025, à l’heure solennelle des vœux, lorsqu’il annonça qu’il ne briguerait pas un troisième mandat, quelque chose s’était déjà fissuré dans son regard : une fatigue ancienne, patiemment contenue.

De ce dernier mandat, il garde des motifs de satisfaction (lire par ailleurs), bien sûr, mais aussi une amertume légère, persistante. Rien de spectaculaire, plutôt un arrière-goût. Car tout n’a pas été simple. Les deux premières années furent englouties par la crise du covid, puis vinrent les élections cantonales de juin 2021, véritables lignes de faille dont les répliques secouent encore aujourd’hui le conseil municipal.

« Ce fut un mandat bizarre », dit-il en ce 22 décembre 2025. Il est installé au bar L’Encantada, un fauteuil en retrait, comme à l’abri du bruit. Le lieu n’est pas un hasard. « C’est ici que l’on voit ceux qui croient encore au territoire. J’aurais pu recevoir la presse dans mon bureau, ou à la salle Jacques-Prévert de la médiathèque. Mais ici, ça parle autrement ».

Il avait convié les journalistes pour tirer le fil du bilan. Mais très vite, l’actualité s’est invitée à table, c’est-àdire les élections municipales de mars prochain. Le 22, précisément. Ce jour-là, Hervé Mazurek saura qui prendra sa place à la mairie de Blanzy.

Trois listes sont aujourd’hui en course _ « par ordre alphabétique », précise-t-il, fidèle à une rigueur qu’il n’a jamais abandonnée : Christian Grand, Olivier Pernette, Cyrille Politi. Deux d’entre elles sont issues du conseil municipal. Le fait est connu, presque banal, mais lourd de sens.

Ces dernières années, il a tenté de maintenir l’unité, de tenir la barre « même quand le bateau a tangué ». Certains ont choisi d’autres caps. « Étonnant ? Non. Choquant ? Non », se répond-il, comme pour clore le débat. « Même si j’avais été candidat, je crois qu’il y aurait eu deux listes malgré tout ».

En 2020, pourtant, il avait ouvert sa liste à tous les vents. Puis vinrent les départementales. Tout s’y est joué. Les masques sont tombés, les silences se sont fissurés, les rancœurs ont émergé, notamment du côté du Parti socialiste. La défaite surprise de Jean-Marc Frizot a laissé des cicatrices. Il a toujours reproché à Hervé Mazurek de ne pas l’avoir soutenu face au tandem Ballot-Clément.

Cette séquence l’a marqué plus qu’il ne le dit. « J’ai morflé », concède-t-il, sans détour. La démission a traversé son esprit, « ça a été violent. J’ai même envisagé de dissoudre le conseil municipal ». Puis il marque une pause. « Je m’en suis sorti seul ». Et cette phrase, presque sèche : « Dire pour qui voter ? Les gens s’en moquent ».

Aujourd’hui, il refuse toute prise de position. « C’est trop tôt. J’attends les programmes ». Mais sur le terrain plus intime des relations humaines, il assume une préférence. « Je suis plus proche d’un Alexandre Laurent que d’un Jean-Marc Frizot ». Une phrase dite sans attaque, mais sans détour non plus.

La présence de son épouse à l’inauguration de la permanence de la liste menée par Cyrille Politi n’appelle, selon lui, aucune polémique. « Madame est libre », tranche-t-il simplement.

D’ici au scrutin, le conseil municipal devrait encore se réunir à deux reprises, avec pour horizon le vote du budget primitif 2026, en février. « C’est l’objectif. Et je reste le garant de la qualité des débats ». La formule est calme, presque solennelle.

Hervé Mazurek s’apprête à partir sans regret. « C’est mon choix », répète-t-il, comme on se rassure soi-même. Il termine son deuxième diabolo menthe, le boit lentement, laissant le temps faire son œuvre. Dehors, Blanzy continue de vivre. Et lui apprend, doucement, à n’être plus qu’un citoyen parmi les autres.

J.B.

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