La Légende du Noël des Gueules Noires

Écoute bien, petit.
Ce n’est pas une histoire qu’on trouve dans les livres.
C’est une histoire qui se dit sous terre, là où la lumière hésite.

Les vieux mineurs racontaient qu’autrefois, avant les grandes machines, avant que la mine devienne sourde, la terre entendait encore les hommes.

A Montceau, la nuit de Noël, on descendait toujours avec une crainte particulière. Pas celle des éboulements non… une autre. La peur de déranger le Feu Ancien, celui qui dort dans le charbon depuis le commencement du monde.

Ils disaient que ce feu, c’était pas juste de la chaleur. C’était une âme.

Un Noël, vers la fin du siècle, la mine s’est mise à grogner. Les bois craquaient sans raison, les lampes vacillaient et les chevaux refusaient d’avancer. Les anciens ont compris que le Feu était à bout. Trop pris. Trop forcé.

Alors un gamin _ on n’a jamais été d’accord sur son nom _, appelons-le Emile, a entendu la mine parler. Pas avec des mots. Avec des vibrations dans les os. Il a posé la main sur la paroi, et la roche était chaude, comme un cœur qui bat trop vite.

Le gamin a dit : « Faut le laisser respirer. Juste cette nuit ».

Et cette nuit-là, chose impensable, les hommes sont remontés. Ils ont laissé le feu tranquille. Pas de pioche. Pas de jurons. Rien.

À la place, ils ont allumé un feu dehors, maigre, presque honteux, et ils ont partagé ce qu’ils avaient. Les absents ont été nommés à voix haute. Les morts aussi. Parce que sous terre, on n’oublie jamais.

On raconte qu’au fond de la mine, le Feu s’est calmé. Pas éteint. Apaisé. La roche a cessé de pleurer. Les galeries ont tenu.

Le lendemain, aucun accident. Pas un seul.

Les vieux disaient alors : « Les gueules noires sont les avatars de la terre. Elle les marque, mais elle les reconnaît. Et à Noël, si on la respecte, elle nous rend à nos familles ».

Depuis, même quand la mine a fermé, certains jurent que la nuit de Noël, les puits respirent encore. Et que si tu colles l’oreille au sol, tu peux entendre le feu chanter doucement, comme pour dire merci.

Voilà pourquoi, ici, on se souhaite jamais “bonne chance” à Noël. On dit juste : « Reviens ».

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