Présenter son livre à la salle des fêtes du Magny à Montceau-les-Mines est tout un symbole pour Rosa Gutiérrez Silva. Ici au Magny, elle a aimé descendre sur la RCEA avec les gilets jaunes, elle a adoré se retrouver au coin du feu sur le camp et sa cabane en bois, elle s’est embrasée aux assemblées générales, elle, la Chilienne qui a montré « à chacun de nous le chemin à suivre dans la lutte » s’applique à dire Fanny en introduction de la soirée.
Rosa Gutiérrez Silva a lutté gamine au Chili, dans sa vile natale, Valparaiso. Son livre, Mémoires Amarante, est un recueil de témoignages de jeunes gens dans les années 70.
Et puis ce 25 octobre, le Chili, « le peuple » reprend Rosa, a voté pour une nouvelle constitution sans l’appui des syndicats et des partis politiques. Un mouvement commencé un 18 octobre 2019.
A quand remonte le mouvement populaire des gilets jaunes déjà ?
J.B.
Nous publions le texte de Rosa qu’elle a lu mardi soir au Magny.
Chers amis du Bassin Minier et d’ailleurs,
Je m’excuse pour mon accent dans la langue de Molière mais je suis née dans un port d’Amérique du sud, un beau port mythique connu des marins français qui chantaient « Nous irons tous à Valparaiso ».
Je dois remercier tout d’abord tous mes compagnons de lutte, les Gilets Jaunes, qui m’ont permis d’être ici avec vous.
Il y a presque deux ans, j’ai connu cette salle lors d’une froide nuit d’hiver de fin novembre 2018. Je suis restée à la porte car il y avait beaucoup de monde. J’avais suivi les informations sur le samedi 17. J’étais méfiante car je pensais qu’il s’agissait d’un regroupement de personnes unies pour la défense de leurs situations individuelles, un chacun pour soi teinté d’extrême droite. Mais très vite avec mon compagnon nous avons senti que nous ne pouvions pas rester en dehors de ce mouvement historique et populaire qui s’écrivait.
C’est ainsi que j’ai rencontré pour la premier fois Elsa, Alex, Cyril et beaucoup d’autres que j’ai mieux connu ensuite comme Fanny, Gerard. Nous sommes venus ensemble à 4 assemblées et après je suis partie présenter de mon livre en Argentine.
Alain en primo-militant a continué à venir aux assemblées et au camp et a même réveillonné avec vous le 31 décembre.
De retour d’Argentine, j’ai recommencé à militer et nous avons vécu ensemble des moments très forts. Nous sommes descendus 3 fois sur la RCEA. Une autre fois, nous nous sommes retrouvés à une réunion du « Grand Débat » organisée par le député et aussi pour des actions au marché du samedi. Il y a aussi eu le 1er mai gazé, l’ascension contrariée de la Roche de Solutré, la ferveur de l’ADA 3, la projection du film « J’veux du soleil » et les manifs à Montceau, Chalon, Macon, Tournus, Dole et Paris. Je remercie la vie de vous avoir tous connus. Je me suis sentie toujours acceptée sur le camp avec sa cabane, son feu, son barnum et sa roulote mais aussi et surtout dans les assemblées ICI même dans cette salle historique du Magny. Bientôt 2 ans.
Militer ici est pour moi important car mon père a été mineur durant 5 ans avant de pouvoir monter son salon de coiffure.
J’habite en France depuis presque 18 ans et je suis arrivée ici en Bourgogne à cause d’Alain, mon compagnon et mari. C’est grâce à lui que j’ai pu écrire l’histoire de ma vie et présenter celle de mes amis et jeunes compagnons de lutte.
« La mémoire fait partie de l’histoire ». Pour vous français c’est une évidence car chaque ville de France à son monument aux morts, ses plaques et stèles commémoratives. Cela me touche au cœur, car dans le pays qui m’a vu naître, il n’y a rien de tout cela.
Il y a plusieurs mois, à Die, j’écoutais Annette Beaumanoir, agent de liaison dans la Resistance dès 17 ans et Juste de France, neurologue et « porteuse de valises » du FLN algérien. Elle nous disait avec conviction, « une vie sans engagement n’est pas une vie ».
« Mémoires amarante. Valparaiso : rêves et cauchemars des jeunes gens dans les années 70 » est une œuvre collective écrite par quatorze chiliens dont je fais partie, militants des Jeunesses communistes de la région de Valparaiso dans les années 70 et soutiens de l’Unité Populaire de Salvador Allende. Ils nous parlent de leurs vies avant, pendant et après le coup d’état du 11 septembre 1973 qui entraina leur dispersion à travers le monde.
Ils nous parlent de leur engagement social qu’ils maintiennent jusqu’à maintenant et qui est passé par l’épreuve du feu. Ils nous parlent de l’histoire de la résistance au Chili et ailleurs. Ils nous parlent avec authenticité, lyrisme, poésie et parfois naïveté de leurs vécus, de leurs exils et de leurs chemins vers la résilience.
Ils nous parlent aussi d’aujourd’hui à la lumière d’hier. Ils ont décidé de partager ces récits testimoniaux pour qu’ils servent à travers l’écriture aux générations présentes et futures.
L’ouvrage déjà publié en espagnol par les éditions Astérion de Santiago du Chili, vient d’être édité dans sa traduction française. Je sais qu’à travers ces récits de résistance et de résilience, l’histoire contemporaine du Chili continue de résonner dans la France d’aujourd’hui.
Merci à mes compagnons de lutte qui ont témoignés : Luis, Manolo, Tegualda, Maria, Pajarito et Nadine au Chili, Lily en République Dominicaine, Jimmy à Cuba, Danitça en Italie, Kiko, Karina et Nora en Suède, et Pedro en France.
Et aussi a mon traducteur a Gérard Duboys de Lavigerie et spécialement pour les dernières corrections d’Anita et Elsa de Montceau les Mines
Je voudrais ici saluer la solidarité que vous avez montrée pour soutenir les soupes populaires au Chili. Là-bas, comme ici aussi dans une bien moindre mesure, des gens souffrent de la faim et d’une extrême précarité, aggravées par la crise sanitaire. Un grand merci à l’association Entre Nous Solidaires, à Helene, Cyril et Bea, Claude, Elsa, Charline, Patrick, Franky, Véronique et Jojo pour leur soutien aux soupes populaires de Valparaiso. Avec 50 euros on alimente 100 personnes pour une journée. J’ai ressemblé 340 euros parmi vous. Mille merci pour eux.
Ce dimanche 25 d’octobre un peuple a voté pour une nouvelle constitution rédigée par convention constituante. Avec force et ténacité, contre la volonté de toutes les forces médiatiques, politiques et gouvernementales ils ont dit OUI à près de 80% pour la rédaction d’une nouvelle constitution par une convention constituante n’accueillant aucun membre de l’actuelle assemblée. 14 ans après Pinochet, c’est sa constitution qui sera enterrée à son tour.
Ce mouvement qui a commencé le 18 octobre 2019 fête son premier anniversaire. Il a été inspiré par un mouvement Français exemplaire que vous connaissez bien. Il a été initié par des jeunes de Santiago qui sont sauté par-dessus les tourniquets du métro pour protester contre une augmentation de 30 centimes du ticket de métro. Mais au final le mouvement n’a pas tant protesté contre ces 30 centimes que contre les 30 ans passés sous la constitution néolibérale laissée par Pinochet qu’aucun politique n’a pu ou voulu changer. Nos jeunes ont payé très cher cette victoire historique avec 400 éborgnés et 20 devenus aveugles.
Je sais que nous traversons des moments difficiles.
Je ne sais pas quel futur nous attend mais je suis sûre que le peuple gagnera.
EL PEUPLE UNIDO JAMLAS SERA VENCIDO
Je vous embrasse très fort ET MERCI DE VOTRE TEMPS.