A quoi tient une carrière de footballeur ? Une rencontre, un contrat… ou un simple oubli. Kenny Philippe, le gardien du FC Montceau, n’oubliera jamais ce jour où son rêve anglais s’est envolé. Il devait signer avec les U23 de Crystal Palace. Tout semblait ficelé. Un ami réunionnais, Didier Agathe, s’était occupé de tout, contre la somme de 6000 €.
Mais à son arrivée à Londres, la douche froide. « Quand j’ai posé les pieds à Crystal Palace, j’avais un mois et demi de retard », se souvient Kenny, encore amer. Le contrat n’avait jamais été envoyé à temps. Didier Agathe, aujourd’hui impliqué dans une affaire ayant piégé 55 jeunes, avait tout simplement oublié de lui transmettre le document décisif. « Ce jour-là a été un tournant dans ma carrière », souffle-t-il.
Pourtant, sur le terrain, Kenny Philippe rassure, brille, et impressionne. Excellent sur sa ligne, précis dans ses relances, il affiche un niveau bien supérieur à celui attendu en Régional 1. Mais ce n’est pas seulement le terrain qui lui donne le sourire, c’est aussi la stabilité retrouvée à Montceau-les-Mines, entouré de sa femme Maria et de leurs deux enfants, Keilan et Naïm. Il semble avoir trouvé une forme de paix.
L’histoire de Kenny commence à 10 000 kilomètres de là, sur l’île de La Réunion.
« Mes parents voulaient que je fasse de la boxe », raconte-t-il en souriant. Mais un homme va changer sa trajectoire, Johnny Berfroid _ récemment disparu _ l’emmène à ses premiers entraînements. Kenny n’a que 5 ans, et tombe éperdument amoureux du football. « C’est à cause de Grégory Coupet que je suis devenu gardien. J’étais fan de l’OL ». Il l’est toujours.
Formé à la Jeanne d’Arc, il y reste jusqu’à l’âge adulte. À 15 ans, il est déjà doublement surclassé et évolue en Régional 1. Lorsqu’il dispute son premier match en senior, ses parents, d’abord réticents, deviennent ses plus fervents supporters.
À 17 ans, son club réunionnais met le cap sur la métropole pour disputer un tournoi du côté de Tours. Dans les buts, il brille, il est élu meilleur gardien. Des clubs comme Tours ou Châteauroux le repèrent. Mais quitter La Réunion, c’est trop dur. Il rentre. Ce sera finalement sa mère qui fera le premier pas. Ensemble, ils partent pour Brest, où Kenny rejoint la réserve du Stade Brestois pour deux saisons.
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Il joue des deux pieds, écrit des deux mains
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Puis direction Angers, où il s’entraîne huit mois… sans contrat au bout. « Je signe alors à l’Intrépide d’Angers, un club de R1. Et peu après… Crystal Palace ».
Le rêve anglais devient un cauchemar. « J’ai sombré. J’ai fait une dépression. Je pesais 96 kilos ».
Un essai à Niort tourne court, recalé à cause de son surpoids. Retour à Angers. Il s’accroche, s’entraîne et parvient à signer à Toulon, en National 2. Là-bas, il retrouve un peu d’air, jusqu’à ce que sa femme Maria le rejoigne en métropole, s’installant à Mâcon avec sa belle-mère. Il les rejoint.
Mais pour Kenny, à ce moment-là, plus de club. S’enchaînent alors des passages à Challans, puis à Châteaubriant. C’est à cette époque que leur deuxième enfant naît, avec des soucis de santé. « Je ne voulais pas laisser Maria seule. Je suis revenu à Mâcon ».
C’est alors que son agent le met en contact avec Lionel Large, coach du FC Montceau. « Ça a matché tout de suite. C’est vraiment un super type ». Quand le club est relégué en R1, Lionel le convainc de rester. « J’ai même refusé un club de N2 en région parisienne. Ici, j’ai trouvé plus que du football. Des attaches, des gens. Et puis ma femme est toujours de bon conseil ».
Kenny Philippe dans les buts, c’est une assurance tous risques. Il impose le respect. « Parfois trop », avoue-t-il, même le coach lui fait remarquer. « Je suis exigeant, peut-être un peu dur. Mais sur le terrain, je ne fais jamais semblant ».
Ce samedi, il attend avec impatience le 5e tour de Coupe de France face au FC Gueugnon, au stade Jean Laville. « C’est un match important pour le club, pour la ville. On veut envoyer un message fort ».
Il se souvient encore de ce jour où, en R1 à Gueugnon, il avait égalisé un but de la tête à la dernière minute. C’est ce grain de folie qui fait de lui un gardien à part. « J’ai cette montée d’adrénaline que les autres n’ont pas ».
Ambidextre, il dégage du pied droit, relance à la main du gauche. « J’écris des deux mains ».
Même ses maillots, il les choisit lui-même. « Je veux une tenue sobre, classe, juste le logo du club et mon numéro ».
À Montceau, Kenny Philippe fait l’unanimité. Un gardien qui rassure, un homme qui inspire. Un joueur cabossé par les virages de la vie, mais qui n’a jamais cessé d’avancer. Avec le cœur, avec fierté. Et toujours avec passion.
Son objectif, retrouver le National 3.
Au FCMB, on l’adore.
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J.B.
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