Dans les secrets du passé – L’arsenic du Prieuré ou l’alchimie du mensonge

Jacky Jordery applique la rigueur du véritable historien. Il ne s’en tient qu’aux faits, uniquement aux faits, et seulement à ceux qu’il exhume patiemment des archives. Ses journées s’écoulent entre les registres jaunis, les scellés de cire et les minutes de procès du XVIIIᵉ siècle qu’il déchiffre comme un enquêteur scrute une scène de crime.

Passionné d’histoire locale, il s’attarde sur ces affaires qui, en leur temps, ont défrayé la chronique, crimes oubliés, procès étouffés, intrigues de cloîtres et rumeurs de sorcellerie. Autant d’épisodes qui, jadis, ont traversé les contrées du Charolais avant de sombrer dans l’oubli, comme le charbon enseveli au fond d’une mine.

C’est au détour d’une recherche qu’il découvre une histoire rocambolesque, un dossier poussiéreux qui, dès les premières pages, l’enveloppe d’une atmosphère rappelant « Le Nom de la rose » d’Umberto Eco.
L’affaire commence tout près de chez lui, à Perrecy-les-Forges, non loin de Saint-Vallier. Là, les archives du prieuré lui désignent la trame d’un complot ou plutôt de plusieurs complots d’une noirceur diabolique.

Avant de rédiger son ouvrage de 180 pages, Jacky Jordery confie avoir « englouti près de 900 pages d’archives à Mâcon, notamment religieuses. Le procès, à lui seul, dura dix ans ». 
Dix ans de dépositions, de serments, d’accusations et de secrets murmurés entre les pierres froides du monastère.

Au cœur du Prieuré de Perrecy-les-Forges, un moine se détache du silence, frère Hilarion. Homme d’influence et d’ambition, il n’est pas sans ennemis. Trois fois, après le repas, il est pris d’horribles douleurs. Il parle d’un « feu qui lui dévore les entrailles ». Ses frères remarquent alors son visage tuméfié, ses yeux gonflés d’une fièvre étrange. Quelqu’un cherche-t-il à l’éliminer ?

Un avertissement lui revient en mémoire quand un an plus tôt, en 1759, on lui délivra ce message : « Tenez-vous sur vos gardes, frère Hilarion ». L’avertissement n’était pas vain.
Pour en avoir le cœur net, un frère donne à un chien la portion de soupe destinée à Hilarion. Le lendemain, l’animal gît, tremblant, incapable de se lever. Ses vomissements sont noirs, brûlés, fétides. Le chirurgien du prieuré conclut sans détour à un empoisonnement à l’arsenic.

La justice de Charolles est saisie. Ce qui n’était qu’un mystère de cloître devient une affaire d’État.

De 1760 à 1769, un procès tentaculaire se déploie. Plus de 250 témoins sont entendus, moines, domestiques, notables, religieux de Perrecy, Charolles, Dijon, Orléans, Douai, jusqu’à Paris. Les rivalités éclatent au grand jour, Franciscains contre Bénédictins, Jésuites contre Jansénistes. Même Louis XV, dit-on, aurait suivi l’affaire, inquiet de voir les querelles du clergé ternir le royaume. « Il existait une véritable détestation entre congrégations », explique Jacky Jordery. « Et dans ce maelström de passions, il devient presque impossible de discerner la vérité ».

Après des mois d’étude, Jordery reste prudent. « Ce qui transpire dans ce récit, c’est le doute. À cette époque, tout empoisonneur était condamné à mort. Or, celui-ci… fut envoyé aux galères ».

Pourquoi une telle clémence ? Qui a protégé l’accusé ? Et surtout, qui voulait réellement la mort de frère Hilarion ?

Était-ce un simple crime de jalousie ? Une vengeance spirituelle ? Ou bien la manifestation d’une guerre invisible entre ordres religieux, où l’arsenic tenait lieu d’argument théologique ?

Jacky Jordery, en historien et en conteur, referme le dossier sur une dernière énigme. Entre les lignes des registres, il croit percevoir une autre main, un autre dessein, celui d’un homme de pouvoir resté dans l’ombre.
Mais il laisse au lecteur, comme à un maître alchimiste, les clés du mystère.

 

J.B.

 

Jacky Jordery profite de son dernier ouvrage « Complots diaboliques au monastère de Perrecy sous Louis XV » pour mettre à jour ses autres histoires, notamment dans l’affaire à la Croix Racot ou le meurtrier du sabotier de Blanzy.

 

Pour joindre et acheter son livre : 07 77 06 90 28 ou au centre culturel Leclerc à Montceau.

Du même auteur : 

_  Histoire du quadruple assassinat de Sanvignes (2019)

 _ Dans les secrets du passé I : Saint-Vallier, Saint-Romain, Pouilloux au temps des seigneuries (2021)

 _ Dans les secrets du passé II : enquête sur un complot criminel fomenté au château de Digoine (2022) 

Dans les secrets du passé III : une vilaine affaire à la Croix-Racot – Bois-Francs de Saint-Vallier (2023)

_  Dans les secrets du passé IV : Quand la bande à Bonnache terrorisait Perrecy et ses environs »

 

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