Créations d’EPL : « cessons de nourrir l’opacité de la dépense publique ».
Communiqué – L’exécutif de la CUCM a proposé, sur l’initiative du Grand Chalon, de constituer la Société Publique Locale d’Aménagement Sud Bourgogne avec le Conseil départemental, le Grand Autunois Morvan, et les communes de Chalon-sur-Saône, Givry, Saint Remy, et Chatenoy-le-Royal.
Il existe déjà plus de 1250 Établissements Publics Locaux (EPL), Sociétés d’Économie Mixte (SEM – capitaux publics et privés) ou Sociétés Publiques Locales (SPL – capitaux publics) qui s’ajoutent aux syndicats et autres structures para-publiques et il ne cesse de s’en créer.
Pour exemple outre Creusot Montceau Recyclage, la CUCM a des participations dans la SEMPAT (développement économique), la SEMCIB (idem), l’AER BFC (promotion économique), la SPL d’Aménagement de l’Agglomération Dijonnaise (opérations d’aménagement, adhésion en juin 2017) et donc la SEM Val de Bourgogne (idem).
Si l’outil peut sembler séduisant, il est la source, ainsi que la Cour des Comptes l’a montré en octobre 2017, d’une opacité croissante dans les mécanismes de décision et de gestion des finances publiques, nourri par les dérives d’une frénésie à en créer sous l’impulsion d’élus qui trouvent là l’opportunité de devenir entrepreneurs avec les moyens publics.
La Cour a ainsi émis des recommandations pour qu’une information complète de la gestion des EPL soit délivrée aux élus; pour qu’un dispositif de suivi et d’évaluation des participations directes ou indirectes des collectivités dans des SPL ou société de droit privé soit créé ; et pour la transparence et le contrôle direct par les collectivités de tous les avantages, indemnités et moyens de travail mis à disposition des élus.
La cascade infinie de participations des Collectivités Locales, notamment au travers des SEM qui créent ou prennent des participations dans des Sociétés Anonyme de droit privé en adossant in fine les éventuelles dettes aux collectivités, autant que l’enchevêtrement de ces structures qui opèrent sur les mêmes territoires et les mêmes compétences, rend en outre impossible un contrôle sérieux de la pertinence de l’existence même de nombre d’entre elles et des flux financiers inhérents à leurs activités.
Au sein de la CUCM comme ailleurs, plus un élu n’est capable d’évaluer l’efficacité et les coûts réels engagés dans ces structures.
Il est urgent de mettre fin à ce mouvement où l’argent public fini par être engagé à l’aveugle.
La création de la SPL Sud Bourgogne qui épouse en tout point les contours, les objectifs et dispose des mêmes actionnaires publics que la SEM Val de Bourgogne illustre parfaitement ces excès et ne semble justifiée par aucune nécessité d’intérêt général. Soit la SEM n’est plus l’outil adapté qu’il a été et alors il faut la dissoudre ou la transformer en SPL soit on crée un doublon insensé. La seule motivation avancée pour sa création est la soustraction aux règles de mise en concurrence auxquelles sont soumises les SEM mais pas les SPL. Avec les dérives avérées qu’engendre ce type de raisonnement on ne peut qu’être dubitatif… Je n’ose d’ailleurs imaginer que cette SPL créé à la va vite intervienne dès sa constitution sur des opérations d’aménagement sur laquelle était engagée jusqu’alors la SEM Val de Bourgogne.
Enfin, si cette volonté d’ajouter de la structure publique à la structure publique et de se soustraire à la concurrence pour des opérations de droit privé est compréhensible pour ceux qui défendent l’économie collectiviste, pour les autres il y a contradiction manifeste entre les discours et les actes…
Des exemples identiques existent partout en France mais à ce niveau d’inanité c’est assez rare. Que ferons-nous demain ? Créerons-nous en Bourgogne une structure par projet ?
Nous nous engageons en politique pour défendre des idées et représenter nos concitoyens et c’est sur ces seules bases que nous devons prendre nos décisions.
Alors sachons dire que la création tous azimuts de ces outils ne répond plus à la défense de l’intérêt général. En vérité nous préparons l’explosion de la dépense publique, l’éloignement des citoyens des centres de décision, le cumul généralisé des fonctions, l’opacité dans la gestion de l’argent public ainsi que dans les avantages et les rémunérations liées à ces fonctions, et la déresponsabilisation des élus face à des structures aux montages de plus en plus complexes qui rendent de fait le suivi et le contrôle de leur action impossible.
Ces maux nous les connaissons pourtant depuis longtemps : c’est le « mille-feuille administratif » que tout le monde dénonce à corps et à cris depuis 30 ans. Alors maintenant agissons !
Je suis donc intervenu en Conseil communautaire pour m’opposer à la création de cette SPL. Et pour que ne soit pas caricaturée ma position comme un combat politique entre majorité et opposition j’ai demandé à mon groupe de voter cette création et j’ai voté seul contre.
Pour alerter.
Il n’est pas ici question de droite, de gauche ou du centre, de vieilles pratiques ou de nouveau monde. Tous les groupes politiques s’accordent d’ailleurs à voter ces délibérations dont les conséquences les plus lourdes verront le jour dans 15 ou 20 ans.
J’ai conscience qu’il s’agit d’une question compliquée mais qui obérera lourdement notre avenir si nous continuons à nous décharger ainsi de nos responsabilités. Je comprends que les élus qui participent à des assemblées locales n’aient pas tous pris le temps de se pencher sur la question. Mais il n’est pas trop tard. Chacun peut, dans sa conscience, et elle existe en politique, parce qu’il défend des idées et représente une population, refuser cette dérive dont on mesure les dangers mais pas la portée. J’engage ainsi les élus qui ont ou devront voter cette création dans d’autres assemblées à y réfléchir à nouveau.
Il est aussi de mon devoir d’expliquer aux habitants ces sujets complexes et de dire mes positions.
Je pense qu’une politique se juge bien davantage à l’éthique qu’elle poursuit qu’aux projets qu’elle prétend porter et inaugurer. Chacun peut maintenant agir en respect de son éthique et en conformité avec ses idées.
Nous tenons dans nos mains, par nos votes, la capacité à agir ainsi que nous prétendons le vouloir : pour une action publique efficace et au service de l’intérêt général.
Charles Landre
NDLR: rapport adopté à la majorité au conseil communautaire, jeudi 28 juin 2018 à Blanzy, Charles Landre a été le seul à voter contre.