Jeudi soir, au conseil communautaire qui s’est tenu à la salle des fêtes de Saint-Sernin-du-Bois, le maire de Marmagne, Didier Laubérat, a connu une soirée difficile. Il a été littéralement broyé par la majorité au sujet de son projet de création d’une petite surface commerciale, portée par des investisseurs : une surface alimentaire de 630 m² (dont environ 400 m² de surface de vente, un Carrefour Market), une pharmacie de 230 m² et un bar-brasserie de 100 m².
Il s’agissait pour les élus communautaires de se prononcer sur la mise en compatibilité du PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) de la CUCM, préalable indispensable à l’avancée du projet.
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Un fond critiqué, une forme discutée
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Sur le fond, le projet, bien qu’ayant reçu un avis favorable de la CCI et du commissaire enquêteur (dans le cadre de l’enquête publique du 14 au 28 avril 2025), n’a pas échappé à des réserves importantes. Tous deux ont notamment pointé l’absence d’étude d’impact et les risques pour les commerces existants, en particulier dans les communes avoisinantes.
L’une de ces communes potentiellement impactées est justement Saint-Sernin-du-Bois. Le commissaire enquêteur notait que la clientèle « va déjà naturellement faire ses achats sur la commune du Creusot, qui est beaucoup plus proche que Marmagne » . Toutefois, il estimait aussi « qu’on peut aisément deviner que les consommateurs iront au Carrefour Contact (ou Market), où l’offre sera plus large, entraînant à plus ou moins long terme le dépérissement des commerces de Saint-Sernin-du-Bois».
Autrement dit : on suppose, on anticipe, avant même que l’étude d’impact ait été réalisée.
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Un mur politique
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Didier Laubérat a beau avoir multiplié les arguments, remerciant les services de la CUCM pour leur travail, soulignant la nécessité de pérenniser la pharmacie (la pharmacienne actuelle part à la retraite à la fin de l’année), affirmant son souhait de maintenir du commerce dans sa commune, rappelant que sans la délibération il ne pourrait pas lancer l’étude d’impact, assurant que les aménagements de sécurité seraient pris en charge par la société investisseuse en lien avec les services du Département, il s’est heurté à un mur. En clair : refus ou report massif.
D’ordinaire, les prises de parole sont rares au conseil communautaire, à l’exception de Charles Landre. Mais ce jeudi soir, « tout était réglé comme du papier à musique », glissaient à voix basse certains élus. Sept élus ont pris la parole :
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Jean-Paul Luard (maire des Bizots) : « Je suis surpris qu’on implante un centre commercial en zone rurale. Il me paraît un peu grand. Et quel intérêt ? Je suis contre cette implantation ».
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Jean-François Jaunet (maire de Génelard) : « Je fais part de mon inquiétude. Dans le sud de la communauté, il n’y avait pas la capacité pour trois supérettes. Une a déjà fermé. Je m’interroge sur l’intérêt intercommunal. Ne faudrait-il pas attendre l’étude d’impact ? »
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Gérard Gronfier (premier adjoint au maire de Montceau) : « J’ai été interpellé à Marmagne par des habitants au sujet des aménagements de sécurité autour du site. »
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Georges Lacour (maire de Saint-Firmin) : « Est-ce que les études vont réellement être menées ? »
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Evelyne Couillerot (2e vice-présidente de la CUCM) : « J’ai lu attentivement le dossier. L’offre commerciale est insuffisante à Marmagne. Je me réjouis des conclusions du commissaire enquêteur, mais il s’interroge sur l’impact sur les commerces du territoire. Aucune étude d’impact n’a été faite. À ce stade, notre vision est partagée : il est prématuré de délibérer. »
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Charles Landre (opposition, Le Creusot) : « Je suis surpris, presque amusé, par les prises de parole de ce soir. J’entends des élus de la majorité s’inquiéter de l’équilibre commercial… alors que la multiplication des zones commerciales fait concurrence à toutes. Quelle ironie : on s’indigne d’être à 8 km d’un commerce, alors qu’on est à plus de 50 km d’un médecin. Il faut dissocier la pharmacie de la supérette. Je ne peux pas me satisfaire d’une telle délibération. »
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Pascale Fallourd (maire de Saint-Sernin-du-Bois) : « J’avais déjà émis des inquiétudes. L’absence d’étude d’impact par rapport aux autres communes est problématique. Carrefour vise une zone de chalandise trois fois supérieure à la population de Marmagne (NDLR : 3 400 habitants, hors trafic de passage, jusqu’à Broye à l’ouest et Saint-Sernin à l’est). Ce projet ne maintient pas les commerces existants. Il est surdimensionné pour les besoins de Marmagne et représente un risque pour les communes voisines. La pharmacie de 230 m² déséquilibrerait celle de Saint-Sernin. Il est raisonnable de mener les études d’abord ».
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Et puis il y a la forme, qui n’aura pas échappé à Didier Laubérat. Le maire de Marmagne a annoncé sa candidature à la mairie du Creusot début septembre, soit quelques semaines avant que la délibération ne soit examinée le 25 septembre. La majorité ne lui a pas fait de cadeau. « Oui, je sais, j’ai été naïf », concédait-il en aparté.
Pour David Marti, président de la CUCM et maire du Creusot, il n’y avait pourtant aucun lien. « Je ne suis pas surpris des interrogations. Il existe un véritable questionnement ».
Finalement, Le président de la CUCM a retiré la délibération, déclarant : «Je ne remets pas en cause la procédure du projet, mais il est préférable de surseoir pour attendre les réponses ».
Une décision interprétée par certains élus communautaires comme une manœuvre pour éviter une défaite annoncée. « Il a préféré la retirer, car il n’était pas sûr d’avoir la majorité », glissait-on en coulisses.
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J.B.
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