2026 à Montceau – Chronique croisée : les mains du passé, les yeux de demain

 

Montceau-les-Mines, la ville est là, posée, fidèle à elle-même. Les rues sont propres sans être neuves. Les façades racontent des histoires qu’on ne prend plus le temps d’écouter. Ici, le temps ne presse pas : il pèse.

Vue d’en bas, la France de 2026 n’est pas un pays en crise permanente, mais un pays en ajustement constant. Une société qui ne s’effondre pas, mais qui s’use. Qui avance sans élan, mais sans chaos.

Ici à Montceau comme partout, en 2026, beaucoup ont cessé d’attendre de grandes promesses. Ils veulent juste que ça tienne. Que ça ne s’aggrave pas trop. Que leurs enfants aillent bien. Que le mois passe. Le soir, on cherche le calme. On éteint les informations plus tôt. On regarde des séries déjà vues. On parle de vacances courtes, de projets raisonnables. On ne rêve pas moins, on rêve autrement. Plus près. Plus petit. Plus sûr.

La politique nationale, ici, arrive par écho. Une réforme, une annonce, une polémique. On écoute, puis on hausse les épaules. Ce qui compte, c’est l’école qui tient, le bus qui passe, le médecin qui reste.

Voici une chronique croisée, alternant la voix de l’ancien mineur et celle de son petit-enfant. Deux regards. Deux temps. Une même ville.

 

L’ancien mineur :

Je me lève tôt. Toujours. Même quand il n’y a plus de sirène pour le dire. La ville dort encore. Moi, je veille. Les anciens puits, ils sont là, ils étaient là, je les vois encore. Aujourd’hui, ils tiennent la mémoire.

L’enfant : 

Moi, je dors tard quand je peux. Papi dit que c’est du luxe. Je crois que c’est juste normal. Quand je me lève, la ville est déjà calme. Trop calme parfois. J’aime bien me rendre au Parc Maugrand, c’est grand et mon papi me raconte ses histoires.

L’ancien mineur :

On parlait de travail avant. Maintenant on parle de météo, de santé, de ce qui coûte trop cher. Les mots ont changé, pas les inquiétudes. Je regarde mon petit-fils. Il a des rêves que je ne comprends pas toujours. Des métiers sans mains sales. Des écrans pleins de promesses. Je ne lui dis pas que la terre ne trahit pas. Je me tais.

L’enfant :

Papi ne parle pas beaucoup de la mine. Je crois qu’elle lui manque sans qu’il le sache. À l’école, on nous dit qu’il faut partir pour réussir. Moi, je regarde la ville et je me demande : partir de quoi, exactement ?

L’ancien mineur :

La chaleur est plus lourde qu’avant. L’été s’installe trop longtemps. La maison garde la chaleur comme un souvenir pénible. On ferme les volets, on attend le soir. On a appris à faire avec. À la mine aussi, on faisait avec.

L’enfant :

Quand il fait trop chaud, je vais chez papi. Il a toujours de l’eau fraîche. Il dit qu’il faut économiser. Je ne comprends pas pourquoi, mais je fais pareil. Il m’explique comment on faisait avant. Je crois qu’il m’apprend surtout à faire attention.

L’ancien mineur :

Les soignants ont la même fatigue que nous autrefois. Je la reconnais dans leurs yeux. Une fatigue qui ne se plaint pas. Quand je vais à l’hôpital, j’attends. J’attends bien. J’ai appris à attendre sous terre.

L’enfant : 

Papi dit que je suis pressé. C’est vrai. Moi, je veux savoir ce qui va se passer. Lui, il sait déjà que tout ne se passe jamais comme prévu.

L’ancien mineur : 

On dit que la France va mal. Peut-être. Moi, je sais surtout qu’elle tient encore. Comme cette ville. Comme ces gens qui ne font pas de bruit mais qui ne tombent pas. Je regarde mon petit-fils courir sur la place. Je ne veux pas qu’il porte ce que j’ai porté.

L’enfant : 

Je regarde papi marcher lentement. Je sais qu’il a fait des choses importantes, même si je ne comprends pas tout. Quand je serai grand, je partirai peut-être. Ou peut-être pas. Mais je sais une chose, je saurai d’où je viens.

Ensemble : 

Sous la ville, il n’y a plus de mine. Mais il y a encore quelque chose qui tient. Une mémoire qui ne parle pas fort. Un futur qui hésite. Entre les deux, nous marchons.

Un auteur anonyme

Les commentaires sont fermés.