Fermeture de la cancérologie au Creusot – La chronique de Charles Landre

Agissons enfin contre le démantèlement

de notre chaîne de soins

La France est un curieux pays où, appuyé sur le système de santé le plus complet au monde, on laisse de côté une partie de la population. Cette France, rurale, plus âgée que la médiane nationale, qui habite les villes moyennes et les campagnes, plonge progressivement dans la crise sanitaire, le désert médical et l’abandon. Cette France, souvent oubliée parce que trop souvent silencieuse s’incarne en ce début octobre en Saône-et-Loire, dans la Nièvre, au Creusot, à Autun, à Montceau-les-Mines, et dans tous les villages qui la composent.

Pourtant la Saône-et-Loire est une belle région. Mais la Saône-et-Loire subit. Elle subit certainement 20 ans d’incurie en matière de politique de santé, mais elle subit aussi notre incapacité à refuser la fatalité et à agir enfin.

Tous les signaux du désastre sanitaire sont là, devant nos yeux. Depuis 5 ans, ils se traduisent par la baisse du nombre de généralistes et le vieillissement de la population médicale ; par la liquidation, puis le rachat par le privé de l’Hôtel Dieu du Creusot et par le démantèlement de l’Hôpital de Montceau-les-Mines pour 2 établissement qui n’ont jamais retrouvé le niveau d’activité qui était le leur ; par la création d’un Groupement Hospitalier de Territoire qui place sous l’égide Chalonnaise les établissements de Montceau et d’Autun ; par la la fermeture d’un centre de rééducation à la campagne, Mardor à Couches ; par des créations de maisons médicales tous azimuts financés par l’argent public mais qui trop souvent déshabillent Pierre pour habiller Paul ; par le refus par l’ARS de la coronographie à Chalon sur Saône au profit de Dijon et par tant d’autres choses.

Nous assistons à la concentration à marche forcée des moyens médicaux, à l’éloignement des centres de décision, à la privatisation des établissements ou de pans entiers de leurs services et, in fine, à l’abandon d’une partie de la population française.


Nous y assistons comme si l’impuissance politique à enrayer cette dynamique mortifère était totale et que l’action politique locale devait ne se résumer qu’à des discours.

Car dans ce contexte, une seule initiative originale a été menée ces dernières années : le recrutement par la département de Saône-et-Loire, de médecins salariés.

L’annonce soudain de l’arrêt du traitement des cancers à l’Hôtel-Dieu du Creusot pour des questions financières est le coup de trop porté à la santé des habitants. La guerre commerciale que se mènent 2 groupes privés sur le nord du département oblige désormais des patients aux traitements lourds à changer de centre et à parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour les recevoir.

Cette guerre n’aurait pas du avoir lieu. En 2019, la ville du Creusot a octroyé sans contrepartie (malgré mes demandes en Conseil municipal) 1,5 millions d’euros au groupe SOS pour s’acheter un robot chirurgical. Le maire du Creusot avait alors refusé un débat sur l’offre de soins et la situation des soignants et coupé court aux échanges, aveuglé par un discours politique empreint d’une démagogie d’un autre temps. Ici, au Creusot et à Montceau, jusqu’en 2014, les volontés des 2 municipalités socialistes ont été de lutter contre la création d’un établissement hospitalier commun. Or aujourd’hui les 2 établissements ont toutes les autorisations qui permettent de coopérer. L’oncologie ? A Montceau quand la chirurgie est au Creusot. La maternité ? Au Creusot, quand l’autorisation en pédiatrie est à Montceau. Est-ce logique ? Non. Collaborent-ils alors ? Pas davantage.


On découpe les établissements hospitaliers, on engage localement de lourds investissements publics et on accepterait que ne soient assurés des services de santé dignes aux habitants de certaines villes pour des questions financières ?

Nous devons désormais réenclencher sous une forme nouvelle cette coopération évidente à l’échelle de la CUCM et la forcer auprès des directions des établissements comme de l’ARS. Elle bénéficiera aux habitants du bassin, mais aussi de l’Autunois, de l’est de la Nièvre, d’une partie du centre de la Saône-et-Loire, qui sont tous privés d’une chaine de santé digne de ce nom.

Et puis elle bénéficiera aux soignants. Ceux que, d’une seule voix, la France a applaudi. Ceux-là qui se trouvent dans certains territoires, épuisés, abandonnés et, lorsqu’aux discours politiques succède l’inaction ou pire l’impuissance, méprisés. Ceux là ont besoin de moyens partout. Il est temps d’agir pour eux et avec eux.

Faire de la politique c’est refuser les fatalités. C’est ce qui présida à la construction de notre système de santé moderne en 1944. Alors faisons à nouveau de la politique c’est à dire proposons une autre voie en brisant parfois les règles telles qu’on nous dit qu’elles sont établies.

J’exposerai dès demain matin, par courrier, publiquement, au directeur de l’ARS et au ministre de la Santé, la situation sanitaire de l’Ouest de la Saône-et-Loire et ce nouveau scandale sanitaire que constitue l’arrêt des chimiothérapies au Creusot et qui provoque ma honte et ma colère.

Ayons l’ambition de défendre la recomposition d’un système de santé qui soigne tout le monde et dont la France doit être fière. Parce qu’au delà du Creusot, de Montceau, d’Autun, de Chalon, c’est bien de la santé d’une partie des Français dont il s’agit.

Charles Landre

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