Antonio Gramsci, sa vie, son oeuvre

CERCLE « AUTOUR DE LA PENSÈE DE MARX » – avril 2018 Marx 200
Cette année nous fêtons le bicentenaire de la naissance de Karl Marx. Notre cercle poursuit ses réflexions et ses contributions pour continuer à faire vivre, dans un dialogue libre, critique et public, les apports décisifs de son œuvre. Ne sous-estimons pas la force propulsive que contiennent toujours ses travaux et ceux qu’il a inspirés. Le retour en force d’œuvres s’inspirant des catégories clé de son analyse (domination, exploitation, aliénation et réification), démontrent qu’il reste une source d’inspiration du combat intellectuel et social pour l’émancipation. C’est l’occasion de revenir sur la vie et l’apport théorique de quelques intellectuels « marxistes » qui ont fait preuve de clairvoyance et d’esprit critique. Commençons par Antonio Gramsci.

Éloge de la volonté contre le déterminisme

Antonio Gramsci a essayé de donner une lecture à partir de l’intérieur de la révolution russe, plutôt que de la mettre dans un cadre préétabli. En 1917, dans sa «Révolution contre Le Capital » de Karl Marx, Gramsci affirme ce qu’il considère comme la vraie pensée de Marx, il met en valeur le rôle de la volonté contre le déterminisme ambiant. En opposition avec le « marxisme », qui décrétait la nécessité fatale de passer dans tous les pays par la révolution industrielle, Gramsci affirme la vraie pensée développée par Marx, à partir des ses écrits économiques, dans son œuvre principale « Le Capital », il dit « …cette pensée pose toujours comme principal facteur de l’histoire, non pas les faits économiques bruts, mais l’homme, mais la société des hommes qui se rassemblent entre eux, se comprennent entre eux, développent à travers ces contacts (civilisation) une volonté sociale, collective, et comprennent les faits économiques, les jugent, les adaptent à leur volonté, jusqu’à ce que celle-ci devienne le moteur de l’économie, formatrice de la réalité objective, qui vit, se meut et acquiert des caractères de matière tellurique en ébullition, qui peut être canalisée là où il plaît à la volonté, comme il plaît à la volonté. » (l’Avanti! – 24 novembre 1917)

La vie d’Antonio Gramsci est un témoignage exemplaire de la force de volonté

Gramsci naît en 1891 à Ales, une petite ville de la Sardaigne. Après ses études jusqu’au lycée, en 1911 il s’établit à Turin où il poursuit ses études à l’université et en 1914 il écrit dans un hebdomadaire socialiste un article sur une neutralité active de l’Italie contre l’entrée en guerre. En 1915, sous la pression des industriels, l’Italie entre en guerre. Gramsci laisse l’université et il travaille dans les rédactions de « l’Avanti ! » et de « Grido del Popolo ». En 1919, avec d’autres camarades, il fonde un nouveau journal « l’Ordine Nuovo » en essayant de traduire la révolution d’octobre 1917 en Russie dans la situation italienne. En 1921, à la suite du congrès national du Parti Socialiste Italien, le Parti Communiste d’Italie est fondé et Gramsci devient directeur de « l’Ordine Nuovo » quotidien. En 1922 Gramsci est à Moscou comme représentant au comité exécutif de l’Internationale. En Italie le mouvement fasciste se développe et Mussolini, avec l’accord du Roi, forme un nouveau gouvernement.
En 1924, lors des élections politiques, Gramsci est élu député et se fixe à Rome et il fonde un nouveau journal « l’Unità ». Mussolini instaure une police politique et des tribunaux spéciaux. En 1926 Gramsci est arrêté et déporté sur l’île d’Ustica au nord de la Sicile où, avec d’autres camarades, il participe à « l’université de la prison ». En 1928, lors d’un procès, 33 militants communistes dont Gramsci son accusés de conspiration, d’instigation à la guerre civile, d’apologie de crime et d’incitation à la haine de classe. Gramsci affirme que le pouvoir en place conduira l’Italie à la ruine et qu’il revient aux communistes de la sauver. Au terme d’un monstrueux procès politique, Gramsci est condamné à 20 ans de prison. A cette occasion, le procureur fasciste déclara « Il faut empêcher ce cerveau de penser ». Dès 1924 Gramsci prononce au parlement un dur réquisitoire contre Mussolini et le fascisme et il met en évidence la contradiction entre la base populaire du fascisme et sa fonction d’agent du grand capital italien.
Gramsci est transféré à la prison de Turi, près de Bari, où il organise sa nouvelle vie dédiée à la lecture et à l’étude. Les conditions de détention sont dures et insalubres, mais Gramsci refuse de demander la grâce pour ne pas se soumettre au régime fasciste. Il commence à écrire sur des cahiers ses réflexions sur tous les sujets qui l’intéressent, c’est ainsi qu’il arrive à compiler 33 cahiers. Ses « Quaderni del carcere » (cahiers de prison) furent conçus par Gramsci comme simple matériel préparatoire à un travail que sa mort précoce l’a empêché de mener à terme. – En 1935 la santé de Gramsci se dégrade et, grâce à l’intervention de son frère, il est transféré dans une clinique de Rome où il est en liberté surveillée. Gramsci pense qu’il sera bientôt libéré et qu’il pourra retourner près de sa famille. Mais en 1937 l’état de santé de dégrade et une nouvelle crise provoque son décès. Après la mort de Gramsci Tatiana, sa belle soeur, arrive à récupérer les cahiers qu’un compagnon de prison avait cachés et les envoie à Moscou en 1938. La première édition partielle sort entre 1948 et 1951. Les sujets son regroupés selon les matières, par exemple: Intellectuels, Machiavel, Culture, Philosophie, Catholiques, Érudition, Risorgimento, Littérature populaire, Journalisme,…

Lutte des classes et déterminisme mécanique

La situation actuelle est particulièrement marquée par des luttes sociales contre la politique sociale et économique du pouvoir «macronien ». Différents secteurs sont touchés par des grèves, des occupations, des manifestations, …jeunes étudiants, salariés du privé comme du public, retraités, sans emploi ont engagé un combat d’envergure pour une autre société basée sur la solidarité et le bien être de toutes et de tous. C’est un combat difficile, dont l’issue n’est pas encore visible et reste incertaine. Un danger nous guette « le déterminisme mécanique ».
Dans le cadre de la lutte des classes Gramsci met en garde les militants à ne pas se laisser posséder par une forme sournoise de déterminisme « la force des choses ». Il écrit « Quand on n’a pas l’initiative de la lutte et que la lutte même finie donc par s’identifier par une série de défaites, le déterminisme mécanique devient une force formidable de résistance morale, de cohésion, de persévérance patiente et têtue – Je suis vaincu momentanément, mais la force des choses travaille pour moi à long terme, etc. – La volonté réelle se travestie en un acte de foi (…) Voici pourquoi il est nécessaire de démontrer la futilité du déterminisme mécanique, que, explicable comme philosophie ingénue des masses (…) quand il est (le déterminisme mécanique) assumé à philosophie réfléchie et cohérente de la part des intellectuels, devient cause de passivité, d’imbécile autosuffisance… » (cahiers de prison – le matérialisme historique)

Jacky JORDERY, Serge ROIGT, Bruno SILLA – Montceau-les-Mines, le 26 avril 2018
A suivre…

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