Affaire Benalla – La tribune de Charles Landre

Le contre-exemple de la « République exemplaire »

« La réaction du Président de la République, de son Premier ministre de ses ministres, aux révélations du journal Le Monde montrant un chargé de mission de l’Elysée, brassard de police au bras, casqué et armé, faire le coup de poing lors des manifestations du 1er mai en compagnie d’un salarié de la République en Marche, révèle de ce qu’est vraiment la « République exemplaire ».

Un chargé de mission de l’Elysée est donc allé se promener en compagnie d’un ami militant au milieu des forces de l’ordre pendant les manifestations du 1er mai, sans autorisation de la préfecture mais au prix de quelques amicales pressions sur des policiers de grade subalternes. Sur place ils ont pris l’initiative d’agresser des manifestants. On a découvert depuis, combien ce proche collaborateur du chef de l’État aux fonctions floues bénéficiait de privilèges hallucinants : une voiture équipée police, un appartement quai de Branly, un port d’arme, une carte d’accès à l’Assemblée nationale parce qu’il aime y fréquenter la salle de sport… On sait aussi maintenant qu’il a, au moins le 14 juillet et après la victoire de l’Equipe de France de football, officié au cours d’événements publics auprès du président de la République. 

Le président de la République aurait pu, en une déclaration, mettre un terme à cette affaire. Il aurait du engager dès la connaissance des faits, le licenciement de son chargé de mission. Il a préféré le suspendre 15 jours et a choisi la dissimulation afin de protéger un militant qui avait contribué à sa campagne. Comme il a encore choisi le militantisme en ne s’exprimant sur le sujet que devant les parlementaires de la République en Marche avec une formule bravache et presque vulgaire à l’adresse des français : « qu’ils viennent me chercher ».

Les premières auditions par la Commission des Lois ont pourtant permis de mettre en lumière des pratiques décrites comme des « copinages malsains » par le préfet de police de Paris et l’impunité totale pour ceux qui font partie du « premier cercle » du président de la République. Elles ont malheureusement révélé aussi l’amateurisme et le flou qui entoure l’organisation des déplacements du président, faite de liaisons troubles et de fonctions obscures. Elles montrent que si sanction il y a eu, elle n’a eu pour conséquence ni une rétrogradation, ni la fin des interventions du chargé de mission à l’extérieur de l’Elysée, ni même une suspension de salaire contrairement à tout ce qui avait été affirmé. 

Dans l’épisode du 1er mai ce qu’on reproche au président de la République c’est d’avoir soustrait aux règles qui s’appliquent à tous les Français un de ses proches, au seul motif qu’il fait partie de son cercle d’affidés. Pas au nom de la raison d’État, pas au nom de l’intérêt suprême de la Nation. Non, uniquement en raison de son engagement militant et pour services rendus. De l’avoir soustrait à la justice et d’avoir dissimulé l’affaire tout en prônant pour les Français l’exemplarité et la transparence.

Le « nouveau monde » promis par Emmanuel Macron semble bien animé par des méthodes qui lui sont propres. L’expression partisane plutôt que devant les Français. L’incrimination constante des médias dans la lignée de la loi sur les « fausses informations » qui nourrit la suspicion généralisée qui touche notre démocratie. La transparence uniquement lorsqu’elle est imposée par les citoyens eux-mêmes. La mise en cause continue des parlementaires qui trouve sa traduction dans le projet de réforme constitutionnelle heureusement désormais suspendu.

Mais ce qui frappe aussi c’est l’incapacité du président de la République à comprendre dès le mois de mai qu’il n’y avait aucune chance pour que les agissements de son chargé de mission échappent aux médias. Cela montre malgré tout ce qu’il revendique, le décalage profond entre ce qu’il prétend comprendre du monde et de la France d’aujourd’hui et ce qu’il en saisit vraiment.

Cette affaire démonte le mythe du monde nouveau et purifié dont La République En Marche faisait la promotion continue. La complicité de certains membres de la majorité en Commission des Lois qui, à l’image du député de la 3ème circonscription de Saône-et-Loire Remy Rebeyrotte, ont multiplié les questions veules et caricaturales, n’y changera rien. Ce fantasme d’un monde purifié, mais incarné par des élus et des collaborateurs qui pour beaucoup garnissaient hier les rangs d’un Parti Socialiste qu’ils ont trahi sans vergogne s’est fracassé sur la réalité. Celle d’une politique menée par le chef de l’État avec ses compromis, ses compromissions et sa grande lâcheté.

Cela ne nous exonère pas de construire une vie politique plus noble où les idées prendront le pas sur ces pitoyables spectacles. C’est même là, une nécessité pour une démocratie apaisée ».

Charles Landre

conseiller municipal du Creusot

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